Deux inconnus tentent de conclure un deal la nuit au milieu de nulle part. Une lutte verbale et territoriale s’engage, chargée de défiance, d’incompréhension, de mépris. Un dealer veut vendre quelque chose à un client. Mais quoi ?
On pourrait y voir une scène de drague, reposant sur l’esbrouffe. Univers underground, langage d’une folle maîtrise, Koltès agite les contradictions. Il nous parle de désir, de différence, de soif de rébellion. Le dealer cherche à créer une communication illusoire que le client refuse. Mais qui est en manque ? Qui est le véritable client ? Deux solitudes s’affrontent à la vie, à la mort.
Cette pièce écrite par Bernard-Marie Koltès en 1985 pose des questions qui restent d’actualité. Il parle de solitude et d’échange. Imaginez deux ennemis qui se rencontrent. Qui campent sur leurs positions. Qui s’enorgueillissent de leurs blessures. Que peuvent-ils échanger ? Partis de zéro, ils envisagent au mieux d’arriver nulle part. Les frôlements, les fausses confidences, les volte-face, peuvent faire penser à un Marivaux. Dans ce no man’s land de Koltès, où le rapport dominant/dominé, maître/esclave est sous-jacent, la possibilité de dialogue est en péril. Il parle aussi de l’étranger. Le conflit émerge dès que l’étranger traverse le territoire du dealer. La tension s’accroît. Avec les mots, on attaque, on riposte. On assiste à une danse rituelle féline érotisée pour conquérir un territoire. Chacun tourne autour de sa proie au point d’en être fasciné. Mais on entend aussi le silence dans la parole. Le combat inéluctable. Il parle surtout de désir. Le dealer est désir, il est l’ange de la mort, l’ange du Théorème de Pasolini, qui secoue et fait perdre tout repère. Face à lui, le nihilisme du client et la mort du désir, et le cri rimbaldien qu’il lance « il n’y a pas d’amour, il n’y a pas d’amour ».
Dans la mise en scène de la Compagnie du Théâtre de l’Oiseau Tonnerre, les personnages vont au bout de leur solitude dans un duel sans merci. Non sans ironie. Ils manipulent, mentent, méprisent à souhait, mais ne sont-ils pas finalement ébranlés par ce frottement à l’autre ? Un jeu intense, dans une atmosphère de fin du monde.
Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène d’Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès
Avec Charles Cadudal, Alice SafranPARIS
Tous les vendredis du 19 janvier au 29 mars 2024 à 19h30
Théâtre Clavel
3 rue Clavel, 75019ROUEN
15 février 2024 à 20h
au Théâtre de l’Almendra
1 bis rue Paul Baudouin, 76000ALENÇON
20 février 2024 à 20h
à l’Auditorium du Conservatoire
13 rue du Capitaine Charles Aveline 61000MAYENNE
19 mars 2024 à 20h
au Théâtre Municipal
Pl. Juhel, 53100
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