Lorsque j’ai commencé à lire La Recherche, il y a plus de cinquante ans, j’avais tout de suite été séduit par la richesse, la surprenante et torturante générosité de ce texte aux prolongements infinis. J’avais été ébloui par la virtuosité de cet auteur, habile à présenter les caractères généraux d’un évènement, puis à en démonter astucieusement tous les rouages, à en décrire les différents lieux, les différents personnages, puis peu à peu à se livrer à une analyse dense, subtile, approfondie de leurs mobiles, de leurs pulsions, de leurs sensations et sentiments.
À l’époque, j’avais déjà senti la qualité musicale de ce texte. Il m’était arrivé, au cours d’une lecture commencée dans le silence, d’élever peu à peu la voix et de découvrir combien les vibrations sonores profitaient aux sinueux méandres de cette fluviale pensée.
Le premier roman de La Recherche, Du côté de chez Swann, constitue le début de l’histoire. Il contient tous les thèmes importants de l’oeuvre ; celui de la mémoire, celui de l’enfance, celui de l’amour. On assiste à l’éveil d’un être, à ses rapports avec ses parents, avec ses amis, avec des domestiques. La plongée dans cette abondante mémoire ressuscite une farandole de personnages savoureux, typiques, cocasses, dont se sert l’auteur pour brosser le tableau d’une société complexe, redoutable et vaine que le récit à haute voix permet de faire revivre avec ses défauts, ses ridicules, ses finesses, sa malice et sa vulgarité. Extrait de la note d’intention de Jacques Seyres
En 1955, Jacques Sereys entre à la Comédie-Française avec un goût prononcé pour l’intermittence, puisqu’il quittera la Maison de Molière en 1965 pour la rejoindre finalement en 1978 jusqu’en 1997. Il grandit au coeur d’un âge d’or : ses maîtres se nomment Beaumarchais, Marivaux, ses camarades Jacques Charon, Robert Hirsch, Jean Piat, Françoise Seigner. Alain Feydeau, avec qui il partage sa loge, l’appelle « ma petite mouche bleue », son surnom devient « mouchy ». Il raffole des grands écarts, passe du rire aux larmes, du boulevard au classique, met en scène L’Aiglon d’Edmond Rostand, ou déglingue la mécanique du Vison voyageur avec Poiret et Serrault. Il joue Feydeau, Genet, danse et chante le rôle de Ménélas de La Belle Hélène à l’Opéra Comique, et fait entrer Giraudoux à la Comédie-Française. Goldoni aura été son auteur de prédilection, avec La locandiera, L’Imprésario de Smyrne, La serva amorosa, ou bien sûr La Trilogie de la villégiature, sous la direction de Giorgio Strehler. Au cinéma, il traverse les écrans du Feu follet de Louis Malle, en 1963, revient dans Le Hussard sur le toit trente ans plus tard, ou récemment dans L’heure zéro de Pascal Thomas. Années 2000, seul en scène, subtil orateur, il interprète Du côté de chez Proust – spectacle pour lequel il obtient le Molière du Comédien en 2006 –, Sous le soleil de Daudet et Cocteau-Marais. Aujourd’hui, il est bricoleur, confectionneur de coussins, de meubles, peintre, imitateur, amoureux des plantes, des animaux et de la nature. Sociétaire honoraire de la Comédie-Française depuis 1997 , un grand hommage lui a été rendu au Théâtre du Vieux-Colombier durant la saison 2007/2008 sous le titre « grand portrait ». Jacques Sereys revient avec la même passion à Proust six ans après la création de Du côté de chez Proust, et crée au Studio-Théâtre de la Comédie-Française en 2011, À la recherche du temps Charlus, un nouveau montage et une nouvelle adaptation scénique des textes de Proust, repris aujourd’hui au Théâtre du Vieux-Colombier.
les 31 octobre, 1er, 7 novembre à 20h, 4, 10, 11 novembre 2012 à 16h, 6 novembre à 19h
Du côté de chez Proust
d’après Du coté de chez Swann de Marcel Proust
adaptation de Jacques Sereys
mise en scène de Jean-Luc Tardieu
avec Jacques Sereys
Décor, Pierre-Yves Leprince
Lumières, Jacques Rouveyrollis
Réalisation sonore, Michel Winogradoff
Costumes, Renato Bianchi
Assistante aux lumières, Jessica Duclos
Spectacle créé en 2005 au Théâtre du Petit-MontparnasseDurée 1h30
les 2, 3, 8, 9 novembre à 20h, 4, 10, 11 novembre 2012 à 19h
À la recherche du temps Charlus
d’après À la recherche du temps perdu de Marcel Proust
adaptation de Jacques Sereys
mise en scène de Jean-Luc Tardieu
avec Jacques Sereys
Décor, Pierre-Yves Leprince
Costumes, Renato Bianchi
Lumière, Jacques Rouveyrollis
Réalisation sonore, Michel Winogradoff
Assistante aux lumières, Jessica Duclos
Coréalisation Théâtre de l’Ouest Parisien – Boulogne-Billancourt / Comédie-Française, Studio-Théâtre – Producteur délégué Théâtre de l’Ouest Parisien – Boulogne-Billancourt
Durée 1h30
Trois heures de Proust avec ce sublime acteur, un véritable régal ; quel talent, quelle mémoire ; une autre dimension.