Le comédien belge Bouli Lanners, primé aux derniers César pour son rôle dans La Nuit du 12, ne compte plus les propositions de tournage et les scénarios à lire. Mais au nom d’un nouvel « idéal » de vie, il va devenir marionnettiste en ouvrant son propre théâtre dans sa ville de Liège.
« Après 39 ans dans le cinéma je pense que j’ai pu faire le tour (…) je me sens de moins en moins à l’aise et à ma place dans cette industrie », explique l’acteur et réalisateur de 58 ans dans sa maison aux airs de manoir, sur un terrain boisé d’une hauteur de Liège. Dans la grotte, il donne le dernier coup de pinceau sur des marionnettes à tringle – typiquement liégeoises -, auxquelles lui et Elise Ancion, son épouse, donneront vie à partir de janvier dans un petit théâtre à 300 mètres de là.
Son habituel barbe façon bouc a laissé la place à une moustache à la José Bové, leader paysan et ex-eurodéputé écologiste français qu’il incarnera prochainement dans un film dont le tournage vient de s’achever à Marseille. Certainement pas son dernier tournage. Mais ce visage familier du septième art, multiprimé aux Magritte belges et César 2023 du meilleur acteur dans un second rôle (dans La Nuit du 12 de Dominik Moll), va se faire plus rare sur les plateaux. « Je ferai un film par an peut-être (…), j’ai envie de changer de vie, et d’idéal aussi ».
Militant du climat, proche des mouvements prénant la décroissance, il explique être heurté par la consommation énergétique d’un tournage. Et vouloir aller « en sens inverse » avec son futur théâtre de 30 lieux proposant un divertissement populaire « dans une économie de moyens absolue ». « Le bois des marionnettes c’est du tilleul et il en faut peu. Les accessoires, sur les récupère aux puces. Les décors, sur les peints nous-mêmes sur des draps de lit », énumère-t-il. Sans parler de la bière brassée localement qui sera servie au bar du théâtre.
L’occasion de la reconversion s’est présentée il y a un an, au moment du décès de Jacques Ancion, le père de son épouse Elise. Ce dernier a exploité en famille pendant 40 ans un des théâtres de marionnettes les plus connus de Liège, et a laissé en héritage une collection d’une richesse rare.
Pour Bouli Lanners et Elise Ancion, il n’était pas question que ce « patrimoine extraordinaire » puisse être dispersé chez des collectionneurs. D’autant que le public local reste ami de ce type de spectacle. « Les enfants adorent, la marionnette est dans l’ADN des Liégeois ».
A Liège, ville de 200.000 habitants au passé industriel, il y avait une soixantaine de théâtres de marionnettes il y a un siècle. Et à l’ère de Netflix, il en existe encore neuf : « six fixes et trois itinérants ». En comparaison, Bruxelles ne compte plus qu’une seule adresse, le Théâtre de Toone.
Depuis un an, le couple a donc uni ses forces pour restaurer la collection Ancion. Lui, ancien élève des Beaux-Arts, adore peindre, il a aussi suivi une formation d’ébéniste pour ce nouveau travail. Elle, metteur en scène et costumière de métier, s’occupe de loger ou de coudre de nouvelles habitudes pour les marionnettes.
Ils sont désormais à la tête d’une série impressionnante de quelque 160 personnages et animaux (ânes, serpents, dragons) qu’ils manipulent eux-mêmes à bout de bras derrière l’estrade. Une prouesse physique quand on sait que certaines marionnettes peuvent peser plus de 10 kg, pour une taille de 80 cm.
Leur projet est de proposer deux représentations hebdomadaires (les vendredi et samedi soirs) à partir du 12 janvier éventuellement 5 euros par personne.
Une nouvelle vie pour Bouli Lanners, plutôt un retour aux sources pour son épouse. « Pour moi c’est normal de vivre avec des chevaliers, des princesses, des sorcières. C’est tous mes potes depuis je suis petite », lâche Elise Ancion.
Matthieu Demeestere © Agence France-Presse
Bravo! …et merci! Laurie, d’Angleur