Excessive mais audacieuse revisite du ballet romantique, débarrassé de ses sirupeux clichés, TANZ de Florentina Holzinger, présenté pour la première fois en France, dégaine ses tableaux de nudité totale, de sexe, d’ultraviolence et d’hémoglobine, qui secouent et sidèrent.
Fleuron de l’époque romantique inscrit aux répertoires des plus grandes compagnies de ballet classique tel que l’Opéra national de Paris, La Sylphide, qui suscitait dès sa création l’enthousiasme de Théophile Gautier admiratif en pâmoison devant la grâce de Marie Taglioni, et dont le succès populaire n’est pas près de se démentir, est un de ces vieux chefs-d’œuvre fondateurs que la chorégraphe et performeuse autrichienne Florentina Holzinger aime à revisiter à sa manière, c’est–à–dire en à bousculant, malmenant, ses conventions.
Figure grimpante de la scène internationale, très remarquée sur les scènes allemandes, l’artiste se produit pour sa toute première fois en France, à la Villette. Cela fait déjà pas mal d’années qu’elle a entamé une réflexion détonante sur l’histoire du ballet, d’abord avec une pièce consacrée à Vaclav Nijinski, puis avec une relecture affranchie de l’Apollon musagète de George Balanchine. Créé en 2019, TANZ questionne la brutalité de l’héritage chorégraphique. Au cœur de la proposition, le corps s’impose dans un rapport frontal et totalement désinhibé. Aux antipodes de ses représentations standardisées, il est ici intégralement nu, transgressif, aussi libéré que radicalement violenté. Mis à rude épreuve, il se fait l’étendard d’une volonté exacerbée d’échapper au formatage favorisé par la construction de stéréotypes liés à la beauté académique. Bien loin de la virginité, de l’angélisme, de l’innocence pure qu’elles doivent incarner, les ballerines paraissent ici fesses et vagins ostensiblement écartés, juchées sur des pointes rouge sang ou encore hissées à des harnais ou à un croc de boucher, attachées par les cheveux, voire même par la peau du dos tout sanguinolent, prenant leur envol pour chevaucher des motos pétaradantes suspendues dans les airs.
Avant d’arriver à ces spectaculaires élévations, Tanz commence dans un studio de répétition, où Beatrice Cordua, interprète légendaire du chorégraphe John Neumeier qui fut en 1972 la première danseuse à danser nue Le Sacre du printemps, aujourd’hui octogénaire et physiquement diminuée, se fait maîtresse de ballet. En fauteuil roulant, elle guide une leçon à laquelle s’adonnent à la barre de jeunes filles fraiches et dociles qui répondant progressivement à l’invitation de se déshabiller, se laissent enfin aller au plaisir solitaire.
Comme La Sylphide dont l’intrigue fantastique met en scène un jeune Écossais qui, à la veille de ses noces, s’éprend d’une créature invisible à tous sauf à lui–même et la poursuit jusqu’au fin fond d’une clairière où une sorcière lui donne une écharpe au pouvoir mortel permettant de saisir son aimée qui prise au piège, perdra ses ailes et la vie, TANZ plonge dans la nuit noire d’une forêt tortueuse peuplée d’une harpie encapuchonnée, d’un loup–garou et de fantômes livides, entre autres figures extraites de contes et légendes horrifiques. Celles–ci se livrent à un furieux sabbat, une sorte de transe volontiers dérangeante qui finit par emprunter son chaos final à l’esthétique d’un jeu vidéo avec mitrailleuses et bain de sang.
Puissamment porté par des performeuses athlétiques et engagées, ce spectacle inclassable est aussi grotesque que gore, hard et trash presque jusqu’à l’insoutenable, parfois un peu vain, mais aussi réjouissant et remuant. Résolument provocateur, il regorge d’images choc où se combinent jusqu’à la saturation autant de violence que de jouissance, pour finalement se hisser vers une inattendue et incandescente beauté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Tanz
Concept, performance, chorégraphie Florentina Holzinger
Performance par et avec Josefin Arnell, Renée Copraij, Beatrice Cordua, Evelyn Frantti, Luz de Luna Duran, Lucifire, Annina Machaz, Netti Nüganen, Suzn Pasyon, Laura Stokes, Stefanie Wieser, Veronica Thompson, Lydia Darling, Florentina Holzinger
Création vidéo & live Josefin Arnell
Création son Live sound [3|8] Stefan Schneider
Création lumière, direction technique Anne Meeussen assistée de Koen Vanneste, Stephan Werner
Scénographie Nikola Knezevic assisté de Camilla Smolders
Dramaturgie Renée Copraij, Sara Ostertag Coaching Ghani Minne, Dave Tusk Coaching musical Almut Lustig
Regard extérieur Michele Rizzo, Fernando Belfiore
Recherches Anna Leon
Costumes Mael Blau
Prothèses, masques étudiants de Wigs
Maquillage, effets spéciaux en maquillage pour la scène et l’écran, perruques Theaterakademie August Everding (Munich), Marianne Meinl
Conseiller en cascades Haeger Stunt & Wireworks
Instructeurs pour les cascades Stunt Cloud GmbH (Leo Plank, Phong Giang, Sandra Barger)
Distribution internationale Katharina Wallisch & Giulia Messia – neon lobsterProduction SPIRIT
Coproduction Tanzquartier Wien, Vienne ; Spring Festival, Utrecht, Theatre [4|8] Rotterdam ; Mousonturm, Frankfurt ; Arsenic, Lausanne ; Münchner Kammerspiele, Munich ; Take Me Somewhere, Glasgow ; Beursschouwburg, Bruxelles ; deSingel, Anvers ; Sophiensaele, Berlin ; Frascati Productions, Amsterdam ; Theater im Pumpenhaus, Münich ; Asphalt Festival, Düsseldorf
Avec le soutien de O Espaço do Tempo, Fondation LUMA Arles et De Châtel Award
Remerciement à CAMPO Gand, ImPulsTanz – Vienna International Dance Festival, Eva Beresin, Stefanie Leitner, Tanz-Archiv MUK Wien, Stimuleringsfonds Creatieve Industrie, Mochi Catering Vienna, Andres Stirn
La compagnie est subventionnée par le Cultural Department of the City of Vienna, Arts and Culture Division of the Federal Chancellery of Austria, Performing Arts Fund NL et Norma fonds NL With avec le soutien de Republic Austria Federal Ministry for Arts, Culture, the Civil Service and Sport, Section IV – Arts and CultureDurée : 2h10
du 14 au 16 décembre 2023
Grande Halle de la Villette
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