Le comédien palestinien Ahmed Tobasi est en tournée en France avec son seul en scène And Here I Am. Tout comme Samaa Wakim et Samar Haddad King qui présentent Loosing it. Ils mettent en scène leurs douleurs, leurs aspirations et leur vécu en Palestine. Rencontre avec Ahmed Tobasi lors de son passage à Lyon, aux Subs dans le cadre du festival Sens Interdits.
« Le public entend une voix palestinienne. C’est un acte de résistance fort ». Avec sa pièce And here I am, présentée en tournée en France et cette semaine à Lyon dans le cadre du festival Sens Interdits, le comédien Ahmed Tobasi veut « dire que les Palestiniens existent toujours et existent aussi en tant qu’artistes ».
Le monologue de 80 minutes écrit pour lui par l’auteur irakien Hassan Abdulrazzak raconte sa naissance dans un camp de réfugiés en Cisjordanie, son engagement armé contre Israël à l’adolescence, ses quatre ans en détention et sa reconversion dans le théâtre à sa sortie de prison, au sein du Freedom Theatre de Jénine (Cisjordanie) jusqu’à l’assassinat du directeur de la troupe, son mentor.
C’est « une histoire vraie, qui parle de choses concrètes, de situations qui font comprendre ce que c’est que de grandir pour un jeune Palestinien », explique le comédien de 39 ans marqué par les Intifada (1987- 1993 et 2000-2005). Il a d’ailleurs été arrêté en 2002 après avoir, selon lui, échoué à jeter un explosif sur un véhicule militaire israélien. Cet homme fluet au regard vif a désormais renoncé aux armes pour « combattre avec le théâtre et l’art et évacuer la violence ».
C’est pendant sa détention à la prison de Ktzi’ot (désert du Néguev au sud d’Israël) qu’il a « vu à quel point le théâtre pouvait être efficace ». Il imitait devant ses codétenus un personnage de série célèbre et il se souvient encore des remous suscités auprès des autorités israéliennes, selon lui, par la diffusion de vidéos le montrant en scène. « C’était une victoire et je voulais la répéter », se remémore-t-il.
Montée en 2016, cette pièce en arabe et en anglais, surtitrée en français, a déjà été jouée en Angleterre et en France, notamment à Bordeaux au FAB, mais pas à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), la ville ayant décidée de le reporter car le spectacle était programmé deux jours après l’attaque terroriste du Hamas en Israel. « On sait ce que reporter signifie…» , dit la metteuse en scène britannique Zoe Lafferty, qui craint que la représentation de Choisy-le-Roi n’ait jamais lieu. D’autres dates sont prévues en novembre à Marseille et Bastia, mais le programme des jours à venir reste incertain, du fait des multiples difficultés financières, des contraintes de circulation aux frontières et des « pressions politiques» , selon l’artiste britannique et le comédien. A Lyon, la pièce programmée au Théâtre nouvelle génération (TNG) a été déplacée à la dernière minute aux Subs. Officiellement pour des « raisons techniques ».
« Il ne s’agit pas d’être du côté de la Palestine ou d’Israël, il s’agit de donner aux artistes une chance et de les sauver des problèmes des politiques » dans un contexte de guerre, souligne Ahmed Tobasi.
« Changer la réalité »
Lorsqu’il sort de prison, certains le repoussent pour son étiquette de « prisonnier politique », des groupes de combattants le sollicitent pour la même raison. Une des rares scènes sombres de la pièce, autrement matinée d’humour et d’ironie, la montre s’asperge du contenu d’un bidon en plastique avant d’approcher un briquet. Puis la scène suivante le montre poussant la porte du théâtre de Jénine et changer de vie. « Je voulais résister avec le théâtre. J’en avait assez des armes. Je ne voulais pas mourir », explique-t-il. « Je ne crois pas au fait que tuer puisse changer la réalité ».
Pour autant, il conserve un discours très engagé. L’occupation israélienne « ne nous laisse pas faire ce travail comme nous devrions », déplore-t-il. Tout au long de la pièce, il affiche les portraits de ses amis, morts en combattant l’armée israélienne ou assassinés, sur un tableau noir placé au fond de la scène, face au public. Un rappel des murs de Jénine, pavoisés de portraits de ce type. Pour celui qui préfère se battre sur les planches plutôt qu’au front, « il ne s’agit pas de mourir, il s’agit de rester en vie et de raconter notre histoire, aussi longtemps que possible ».
Nicola Bove © Agence France-Presse
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