Extra life de Gisèle Vienne

Danse éperdue et égarée entre les phares d’une voiture sur no man’s land, Extra Life de Gisèle Vienne est un spectacle d’une impeccable beauté plastique mais dramaturgiquement trop fumeux et filandreux.

Nuit noire, épais brouillard, éclairage faible et lunaire. Une voiture garée au milieu de nulle part. Deux jeunes adultes, campés par Adèle Haenel et Theo Livesey, aux physiques et attitudes encore très adolescents somnolent sur la banquette avant. Ils sont frère et sœur, presque clones. Ils viennent de quitter une fête où ils ont dansé toute la nuit. Lui, allume une clope. Elle mange des Chips. La radio allumée les tient éveillés. Une émission débile relate des supposés événements paranormaux, une sorte de kidnapping d’humains par des extraterrestres, qui les fait abondamment rire et commenter. Autour d’eux, se dévoile un monde parallèle, inconnu, nimbé de fumée et d’obscure clarté, qu’il leur reste à explorer. Ils y rencontrent une troisième personne, Katia Petrowick, silhouette mystérieuse, à la fois proche et lointaine, réelle ou fantasmée, avec laquelle ils vont s’adonner à une interminable danse extatique laissant intimement s’exprimer, s’échapper, s’exacerber, dans l’extrême lenteur des mouvements décomposés, tout ce que contient leurs subjectivités, des traumatismes enfouis aux velléités de s’en libérer.

A l’affiche du festival du TNB à Rennes où Gisèle Vienne est toujours artiste associée, avant de regagner le plateau de la MC93 de Bobigny, Extra life étire et suspend le temps. Ses protagonistes plongent dans les strates de la mémoire comme dans un long couloir, un souterrain ou un profond bassin, autant d’espaces mémoriels que dessinent les lumières extrêmement sophistiquées d’Yves Godin à gros renfort de puissants lasers un peu kitsch. Sur des musiques électro sensibles et saisissantes mais un peu trop grandiloquentes de Caterina Barbieri, ressurgit le souvenir des attouchements d’un oncle harceleur dont ont été victimes Felix et Carla au cours de leur enfance. Gisèle Vienne capte quelque chose d’à la fois perturbant et hyper vibrant dans la manière qu’ont les êtres de réactiver le drame tout en cherchant à s’en extraire pour revenir à la vie et à soi. Solides et languissants, les corps des trois interprètes en fusion se meuvent comme des êtres combatifs et blessés.

Captivante créatrice d’œuvres d’art scéniques radicales et au langage formel protéiforme, Gisèle Vienne poursuit son travail autour de la perception. On reconnaît son goût prononcé pour le grave et le glauque, pour des thèmes de prédilection comme la jeunesse abimée, le sexe, la violence, l’oppression, la perdition. Désormais l’artiste se cite beaucoup au point même de donner parfois l’impression de s’autocaricaturer. Extra life n’atteint pas l’intensité trouble de L’Étang, ni la puissance exutoire de Crowd. La pièce reste d’une indéniable beauté. Celle-ci naît autant d’un geste scénographique massif et poignant que du magnétisme des présences qui l’habitent. C’est aussi une performance qui s’étale et s’étiole, se dilue au point de s’engluer dans sa durée démesurée.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Extra life
Conception, chorégraphie, mise en scène & scénographie Gisèle Vienne
Créé en collaboration & interprété par Adèle Haenel, Theo Livesey & Katia Petrowick

Musique originale Caterina Barbieri
Création sonore Adrien Michel
Création lumière Yves Godin
Textes Adèle Haenel, Theo Livesey, Katia Petrowick & Gisèle Vienne

Costumes Gisèle Vienne, Camille Queval & FrenchKissLA
Fabrication de la poupée Etienne Bideau-Rey

Régie plateau Antoine Hordé
Régie son Adrien Michel
Régie lumière Samuel Dosière, Iannis Japiot & Héloïse Evano

Assistante Sophie Demeyer
Direction technique Erik Houllier

Remerciements à Elsa Dorlin, Etienne Hunsinger, Sabrina Lonis, Sandra Lucbert, Romane Rivol, Maya Masse & Anja Röttgerkamp.

Production et diffusion Alma Office Anne-Lise Gobin, Camille Queval & Andrea Kerr
Administration Cloé Haas & Giovanna Rua

Durée 2h

09, 10 novembre 2023
La Filature, Scène nationale, Mulhouse (FR) dans le cadre des Scènes d’Automne en Alsace

15, 16, 17, 18 novembre 2023
Théâtre National de Bretagne, Rennes (FR)

28, 29, 30 novembre 2023
Maillon – Scène européenne, Strasbourg (FR)

01 décembre 2023
Maillon – Scène européenne, Strasbourg (FR)

06, 07, 08, 09, 10, 13, 14, 15, 16, 17 décembre 2023
MC93, Bobigny (FR) dans le cadre du Festival d’Automne à Paris & Chaillot — théâtre national de la danse

18, 19 janvier 2024
TANDEM scène nationale, Douai (FR)

31 janvier 2024
01 février 2024 MC2: Grenoble, Grenoble (FR)

21, 22, 23, 24 février 2024
Comédie de Genève, Genève (CH) dans le cadre du festival Antigel – Genève

27, 28 mars 2024
Le Volcan, Scène nationale du Havre, Le Havre (FR) dans le cadre du Festival Déviations