Au Théâtre des Champs-Elysées, le cinéaste Cédric Klapisch fait ses débuts comme metteur en scène d’opéra en proposant une Flûte enchantée on ne peut plus bariolée mais sans charme et sans vision.
Derrière la caméra, le signataire de films cultes comme Le Péril jeune ou L’Auberge espagnole a consacré une bonne part de son œuvre cinématographique à la peinture rafraichissante d’une jeunesse plus ou moins désorientée. C’est la raison pour laquelle le couple formé par Tamino et Pamina ainsi que le parcours initiatique qu’il suit dans le dernier ouvrage de Mozart auraient pu l’inspirer. Malheureusement, le geste scénique adopté ne convainc pas voire même déçoit. Plutôt que d’offrir un regard neuf sur l’un des titres les plus populaires du répertoire lyrique, Klapisch se contente de reproduire des images, des gags, des conventions, déjà maintes fois usités. Il prend bien quelques libertés, notamment celle de réécrire le texte des dialogues parlés, mais ses choix interprétatifs manquent à l’évidence d’originalité et de personnalité, dans la mesure où ils ploient implacablement sous le coup de la littéralité.
On ne trouvera aucune velléité de transposition ou d’adaptation dans le spectacle présenté mais plutôt le parti-pris d’un étonnant conformisme qui agace provenant d’un artiste apparemment étranger aux traditions de l’opéra. Quand l’autrichien Michael Haneke calquait, il y a presque vingt ans déjà, la froideur analytique de son cinéma sur un Don Giovanni glaçant d’acuité et de contemporanéité, Mozart s’en trouvait alors autrement renouvelé. C’est loin d’être le cas dans cette Flûte enchantée où l’illustration prime, et souffre en plus d’une esthétique bien peu heureuse. L’horreur visuelle tient autant de la triste scénographie en laine phosphorescente et en froid acier, que des costumes criards et décalés, faisant plonger dans un univers enfantin et primaire de dessin animé où s’ébattent une Reine de la nuit (Aleksandra Olczyk) qui ne possède ni la justesse ni la virtuosité que réclame le rôle, un Papageno sans trop de relief bien que coiffé de plumes à la manière d’un punk (Florent Karrer), le Monostatos de Marc Mauillon en malabar sadomasochiste ridicule car bien trop épais. Jean Teitgen fait quand à lui un solide Sarastro. Fin mozartien et musicien, Cyrille Dubois ne semble pas ici au meilleur de sa forme, mais sa Pamina, campée par Regula Mühlemann, ravit de douceur et d’expressivité, tout comme la délicieuse Papagena de Catherine Trottmann.
La direction d’acteur assez traditionnelle laisse à désirer. Et les chanteurs ne sont pas plus portés par l’orchestre Les Siècles qui demeure fort réactif à la direction complaisante et appuyée de son chef François-Xavier Roth. Celui-ci ne lésine pas sur les effets. D’étranges accès de violence émaillent de façon rugueuse la partition déjà saturée de gazouillis d’oiseaux et de lourds fracas tempétueux. Rien ne séduit et donc n’enchante vraiment dans cette Flûte à oublier.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La Flûte enchantée
Die Zauberflöte
Wolfgang Amadeus MozartFrançois-Xavier Roth | direction
Cédric Klapisch | mise en scène
Clémence Bezat | scénographie
Stéphane Rolland et Pierre Martinez | costumes
Alexis Kavyrchine | lumièresCyrille Dubois | Tamino
Regula Mühlemann | Pamina
Florian Sempey | Papageno
Catherine Trottmann | Papagena
Jean Teitgen | Sarastro
Marc Mauillon | Monostatos
Aleksandra Olczyk | La Reine de la Nuit
Judith van Wanroij | La Première Dame
Isabelle Druet | La Deuxième Dame
Marion Lebègue | La Troisième Dame
Ugo Rabec | Le Premier prêtre / Le Deuxième homme d’armes
Blaise Rantoanina | Le Deuxième prêtre / Le Premier homme d’armes
Josef Wagner | Le narrateurLes Siècles
Chœur Unikanti-Maîtrise des Hauts-de-Seine | direction Gaël DarchenNOUVELLE PRODUCTION
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées | Atelier Lyrique de Tourcoing | Théâtre Impérial–Opéra de Compiègne | Opéra de Nice-Côte d’AzurAvec le soutien d’Aline Foriel-Destezet, Grand Mécène de la saison artistique du Théâtre des Champs-Elysées
Mediawan, mécène de l’opéra La Flûte enchantée
La Maison Stéphane Rolland crée les costumes dans le cadre d’un mécénat de compétences.En partenariat avec france.tv et Le Figaro
Théâtre des Champs-Elysées
du 14 au 24 novembre 2023
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