Adapté du roman de Sylvain Coher, le spectacle mis en scène par Thierry Falvisaner retrace l’exploit d’Abebe Bikila, coureur éthiopien vainqueur du marathon des Jeux olympiques de Rome en 1960.
Vite ! Plus que quelques jours pour se rendre à La Manufacture, à Avignon, où la course Vaincre à Rome retrace intensément la fabuleuse histoire d’Abebe Bikila, coureur éthiopien qui remporta en 1960 le marathon des Jeux olympiques de Rome. Premier africain à être champion olympique, qui plus est en Italie – ancienne nation colonisatrice de l’Ethiopie –, marathonien dans le plus simple appareil – l’homme court pieds nus –, nouveau détenteur du record du monde… Il en fallait peu à Sylvain Coher pour s’attaquer au destin légendaire de ce sportif hors catégorie, d’abord par le biais de la littérature, puis au théâtre avec cette pièce ingénieuse et puissante.
Et elle se mérite ! Le public embarque dans une navette direction le Château de Saint-Chamand, situé à quelques encablures des remparts, avant de prendre place, une heure durant, dans une petite salle à l’atmosphère intimiste. Là, un morceau d’appartement, le tracé d’une piste, un studio radio et une batterie placée au milieu occupent le plateau fragmenté entre ces différents espaces. Abebe Bikila est au centre du dispositif scénique, d’abord allongé sur le sol avant de démarrer sa course effrénée. Le metteur en scène Thierry Falvisaner – qui joue par ailleurs dans le spectacle – a choisi Timothé Ballo – qui a notamment travaillé avec Roméo Castellucci – pour incarner le sportif. Et il faut saluer sa performance ! Le danseur court sur place une bonne partie de la représentation, plongeant le spectateur dans une tension proche de celle d’un marathon.
Chaque étape, chaque avancée vers la ligne d’arrivée est décrite en fond par un journaliste radio, Loys Van Lee (Thomas Cerisola), qui n’hésite pas à user d’un mépris à peine voilé devant ce sportif noir concurrençant le favori marocain. Le micro sature, grésille, crache ces commentaires empreints de condescendance. Comme une course de vélo ou un match de football, ce marathon catalyse une immense attente. Avec la précision de son écriture, Sylvain Coher ravive en toile de fond les tensions engendrées par la colonisation. En venant courir à Rome, Abebe Bikila défie l’Italie. En ce sens, sa victoire forme une revanche pour tout le peuple éthiopien. Nul ne sait si le sportif avait tous ces éléments en tête lors de sa performance. En revanche, sur scène, Timothé Ballo traduit une détermination sans faille. Le comédien illustre la douleur qu’Abebe Bikila tenta de masquer, affichant une mine forte et digne.
Sur les côtés du plateau, son entraîneur, le Suédois Onni Niskanen (Thierry Falvisaner), et sa femme, Yewebdar Bikila (Ganne Raymond), l’encouragent chacun dans leur coin et témoignent de la gravité de l’exploit à venir, retissant la trame d’une histoire aux contours bien plus larges que ceux de l’anecdote sportive. La musique d’Adrien Chennebault, jouée en live, concourt à cette atmosphère électrique. Bien pensée, fluide et habitée par d’excellents comédiens, la mise en scène de Thierry Falvisaner recrée les conditions d’un combat. Celui d’un homme, simple soldat, qui à force d’entraînement, de rencontres, et de soutien, a pulvérisé les records du monde en seulement 2 heures, 15 minutes et 16 secondes. Qu’on aime ou pas le sport, Vaincre à Rome s’apprécie bien au-delà d’une simple histoire de marathon.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Vaincre à Rome
Texte Sylvain Coher
Mise en scène, scénographie Thierry Falvisaner
Avec Timothé Ballo, Adrien Chennebault, Thierry Falvisaner, Thomas Cerisola, Ganne Raymond
Collaboration artistique Sylvain Coher, Adrien Chennebault, Thomas Cerisola
Régie générale et création lumières Simon Laurent
Création vidéo Matthieu Etignard
Costumes Paula DartiguesProduction Compagnie Théâtre Charbon
Soutiens Ministère de la culture Centre Val de Loire ; Région Centre Val de Loire ; Département du Loiret ; Ville d’Orléans ; Scène Nationale d’Orléans ; Paris 2024 – Olympiade Culturelle ; Antre peaux ; Le Bouillon ; Le 909 ; Créature Architectes ; Eole de la communauté de commune Cœur de Beauce ; Drama WayDurée : 1h50 (trajet en navette compris)
Festival Off d’Avignon 2023
La Manufacture, Château de Saint-Chamand
du 7 au 24 juillet, à 17h30 (relâche les 12 et 19)La Criée, Théâtre national de Marseille
du 10 au 13 janvier 2024La Passerelle, Fleury-les-Aubrais
le 19 avril
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