Christos Papadopoulos nous plonge dans la subtilité des phénomènes naturels et du vivant, grâce à une danse d’un minimalisme radical, obsédante, faite de micro-mouvements, à laquelle se prête le Ballet de l’Opéra de Lyon. Une manière de poser un regard sur les écosystèmes menacés qui nous entourent ?
Le chorégraphe grec Christos Papadopoulos est un as pour happer toute une salle et la plonger dans ses atmosphères obscures et denses, où les micro-mouvements des danseurs, combinés à un jeu de lumière ciselé, créent des illusions d’optique obsédantes. Ce gars de la campagne, natif de Némée, petit village du Péloponnèse, a puisé son inspiration dans l’observation des mouvements des écosystèmes, à l’instar de l’organisation quasi magique des nuées d’oiseaux et des bancs de poissons, qu’il déploie dans Ion (2018), ou du lent détachement d’un iceberg de la calotte glacière dans Larsen C (2021). Avec Mycelium – titre qui désigne la partie souterraine des champignons, formant un réseau de filaments qui peuvent s’étendre sur plusieurs mètres –, Papadopoulos continue de creuser la même écriture radicale, en affirmant un œil affûté pour transcrire la complexité du vivant.
Le plateau plongé dans une semi-obscurité devient un magma fascinant. Un interprète apparaît. Il semble flotter, comme une sorte d’amibe, traversant le plateau de bout en bout, face à nous. Le danseur est rejoint par des complices du Ballet de l’Opéra de Lyon qui arborent la même dégaine, toutes et tous en tenues noires, simples. Ils arpentent le plateau en décalé, portés par des petits pas latéraux et des bras ondulant légèrement, laissant une impression méditative. Au gré d’allers-retours presque mécaniques, ces figures éclairées faiblement deviennent spectrales. Elles tremblent et laissent comme des empreintes lumineuses dans l’espace. Pour accompagner cette méditation, un paysage sonore sourd, profond, se dessine, grésille dans la salle.
Comme connectés les uns aux autres – par ce que le chorégraphe nomme dans la feuille de salle une « colle invisible » –, les corps, toujours mus par des pas minuscules, presque imperceptibles, se rassemblent en masse, imitent un organisme. Se déplie une composition qui fait écho aux mouvements de la Nature, aussi bien animaux, végétaux, minéraux, souterrains, sous-marins que cosmiques. Les ondoiements des corps laissent place à des petits déhanchés lestes en rythme avec la musique scandée, qui donne un peu de peps à l’ensemble mouvant. À la fois connecté à l’infiniment grand et à l’infiniment petit, Christos Papadopoulos nous exhorte à regarder, à prêter attention aux détails des subtiles variations. Une invitation à poser un regard plus attentif à notre environnement, aux espèces qui nous entourent et à leurs habitats ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Mycelium
Chorégraphie Christos Papadopoulos
Avec, en alternance, 24 danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon
Assistant à la chorégraphie Georgios Kotsifakis
Musique Coti K.
Lumières Eliza Alexandropoulou
Costumes Angelos Mentis
Maîtresse de ballet Amandine FrançoisCoproduction Opéra de Lyon ; Biennale de la danse ; Théâtre de la Ville-Paris
Durée : 1h
Vu en septembre 2023 à l’Opéra de Lyon
Théâtre de la Ville-Paris
du 17 au 22 décembre 2024Comédie de Valence, CDN Drôme-Ardèche
les 14 et 15 janvier 2025Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie
le 17 janvierBonlieu, Scène nationale Annecy
du 22 au 24 janvierLe Volcan, Scène nationale du Havre
les 27 et 28 janvierConcertgebouw, Bruges (Belgique)
le 1er févrierOpéra de Lille
du 25 au 27 marsOpéra de Rennes
du 20 au 22 maiLe Théâtre, Scène nationale de Mâcon
le 24 mai
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