Autour du personnage d’un dramaturge qui se mure dans le silence et le ressassement, Rémi de Vos a composé une comédie sans ressorts, Tachkent. Malgré une distribution haut de gamme, la mise en scène de Dan Jemmet ne parvient pas à la sublimer.
On a connu Rémi de Vos plus inspiré. L’auteur excelle habituellement dans la comédie grinçante, manie l’humour noir, satirique et absurde avec autant de dextérité que les rouages les plus secrets de la dramaturgie. Mais il livre ici une pièce qui manque de ressorts et a des airs de déjà-vu. Tachkent , c’est l’histoire d’un dramaturge vieillissant qui se mure dans son silence. Il ressasse son amertume vis-à-vis du monde du théâtre, des metteurs en scène notamment, mais aussi des acteurs, qui se sont tous bien davantage servis de lui, estime-t-il, qu’ils n’ont eu de gratitude à son égard pour les textes qu’il leur livrait.Un personnage à la Thomas Bernhard, acariâtre aspiré par le silence comme un Beckett, le tout dans une mise en abyme plus discrète que chez Pirandello. Sur le papier, le projet était prometteur. Mais au plateau, la pièce manque d’intérêt.
Se succèdent auprès de cet auteur en fin de course son ancienne épouse, une comédienne encore éprise de lui avec qui il a été pendant dix-huit ans, et un « ami », comédien lui aussi, admirateur de l’écrivain, qui a eu un second rôle dans une de ses premières pièces et, semble-t-il, n’a pas fait grand-chose depuis dans le métier. Les deux veulent l’aider à sortir du silence dans lequel il se mure désormais et se rendent donc chez l’auteur qui vit depuis deux ans avec une ancienne toiletteuse pour chiens, qui, par amour pour lui, a abandonné son travail. Cette dernière est vulgaire et inculte. On a connu Rémi de Vos moins caricatural, réservant à ses personnages des qualités et des comportements surprenants, davantage en décalage d’avec les clichés sociaux. Même si au milieu de ce grand bal des ratés, c’est elle qui semble la moins rongée par l’aigreur et porte en elle encore franchise et sympathie.
L’auteur ne parle donc plus que par tirades adressées à lui même où il remâche sa rancœur. Les proches qui viennent à son chevet sont un rien grotesques et vaguement intéressés, et surtout incapables de le faire changer. Si bien que l’action n’évolue pas vraiment et peine à soutenir, durablement l’intérêt du spectateur. D’autant plus que les traitements thématiques ne dépassent pas le stade du cliché. Ni dans ce qui est véhiculé quant à la création théâtrale, ni dans les relations entre les personnages. Dans un tel canevas, comédiennes et comédiens paraissent à l‘étroit, autant que sur la petite scène du théâtre Marigny. Entre quelques colonnes sombre, type marbre réfléchissant – un décor qui mêle réalisme et fantastique – la distribution réunie par Dan Jemmet est pourtant de qualité, avec entre autres Hervé Pierre, ex pensionnaire de la Comédie Française, ou Valérie Crouzet et son art du déraillement loufoque. Mais rien n’y fait, une fois les personnages plantés, l’action patine et rien ne permet à Tachkent de se remettre à nous parler.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Tachkent de Rémi De Vos, mise en scène Dan Jemmett
Avec Hervé Pierre, Clotilde Mollet, Valérie Crouzet et Grégoire OstermannAssistante à la mise en scène : Noémie Pierre • Décors : Dick Bird • Costumes : Sylvie Martin-Hyszka • Lumières : Arnaud Jung • Comédiens : Valérie Crouzet, Clotilde Mollet, Grégoire Oestermann, Hervé Pierre
Coproduction : Théâtre de Paris/Nuits de Fourvière.
Durée 1h15
Les Nuits de Fourvière 2023
Théâtre La Renaissance
du 4 au 7 juillet 2023 à 20hThéâtre Marigny
du 12 septembre au 5 novembre 2023
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