C’est dans le cadre du Festival Silence qui se déploie jusqu’à dimanche au Théâtre et Cinéma Georges Simenon que nous avons pu découvrir la dernière création de la Cie Mon Grand l’Ombre, O Waouh. Une fable fantaisiste qui allie musique, théâtre et graphisme animé en une interaction fertile et foisonnante.
Portée dans une fructueuse complémentarité par Sophie Laloy et Leïla Mendez, la Compagnie Mon Grand L’Ombre a pour spécialité de frictionner théâtre, musique et cinéma dans des formes chatoyantes à destination du jeune public. Après Elle est où la lune, Tamao et Muerto o vivo, voici O Waouh, le petit dernier et son titre exclamatif qui annonce l’émerveillement dont la compagnie nous a déjà gratifié avec sa marque de fabrique : l’orchestration en un dosage harmonieux d’une multiplicité de modalités d’expression. Ici, tout est en live, fait maison et délicieux. La musique jouée en direct au plateau déploie l’éclectisme de ses sources d’inspiration (du rap au rock indé en passant par des tonalités plus arabisantes, de la disco et de la folk) et la pluralité de ses instruments (percussions, guitare sèche, clarinette et autres). Réalisée à quatre mains par Sophie Laloy et Delphine Laloy, le dessin projeté sur le large écran du fond de scène déploie son tableau animé en une promenade visuelle délectable qui étale ses paysages changeants et ses personnages comme on ouvre et tourne les pages d’un livre d’images version XXIème siècle. On a la sensation de se promener littéralement à l’intérieur d’une toile, en suivant le cours de la rivière et le rythme des atmosphères. Il y a du Jérôme Bosch du “Jardin des délices” dans cette luxuriance végétale et ces créatures mi humaines mi animales qui nous entraînent dans un paradis perdu, brûlé par la cupidité et la soif de posséder. Un temps englouti où l’homme faisait corps avec la nature et y vivait en belle entente, un temps où les waouh, ces petites poches de bonheur d’un bleu irisé, fleurissaient comme plantes au printemps et se multipliaient à mesure qu’on les offrait.
Jolie métaphore de l’amour que file ce conte sensible et ingénieux qui fustige par la fiction nos dérives contemporaines : perte de lien à la nature, dépendance aux écrans, envahissement de la sphère publique par les téléphones portables et la publicité tapageuse. A bord d’un train, la jeune Zélie rend visite à son grand-père. La ville est grise, saturée d’immeubles, oppressante. Mais en chemin elle s’endort et son rêve la transporte au-delà de l’habitacle serpentin. Dans un environnement champêtre où son grand-père est à moitié bouc, puant et poilu, amoureux d’une Ava aquatique et végétale, fraîche et gracieuse (Leïla Mendez, aussi féérique en incarnation de l’amour qu’elle est démoniaque dans le rôle opposé qu’elle endosse avec malice), Zélie découvre le versant sauvage du milieu urbain à outrance où elle habite. Au plateau, Leïla Mendez, Michel Taïeb (à la conception musicale également) et Rama Grinberg sautent d’un rôle à l’autre, d’un instrument à l’autre et chantent en choeur les états et les étapes de cette fable qui ondoie en souplesse entre mélancolie et légèreté. Une fois de plus, Mon Grand L’Ombre fait dialoguer dessin, musique et théâtre dans une forme hybride de ciné-spectacle qui s’inscrit à la perfection dans la jolie programmation du Festival Silence qui entremêle justement musique et cinéma. Du ciné-concert documentaire “Annette de mare a hija” du groupe de chants séfarades Yaïa au film de Guillaume Perret “16 Levers de soleil” accompagné en live en une transe jazz cosmique en passant par une série de ciné-concerts et spectacles pour les tout-petits, un hommage à Méliès créé spécialement pour le Festival, une fanfare pop corn et un juke box en plein air, et d’autres réjouissances cinématographiques, animées et musicales, “Silence” continue à ne pas se taire et à explorer avec pertinence la relation étroite entre la musique et l’image.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
O Waouh
Direction artistique Sophie Laloy
Écriture Sophie Laloy et Leïla Mendez, très librement inspirée de A warm fuzzy tale de
Claude Steiner
Avec Rama Grinberg, Leïla Mendez et Michel Taïeb
Conception graphique Sophie Laloy et Delphine Laloy
Musiques Leïla Mendez et Michel Taïeb
Animation du film Sophie Laloy
Scénographie et costumes Cécile Trémolières
Lutherie des instruments phrodysiens Marcel Ladurelle
Construction des boîtes en bois Frédéric Fruchart
Son Olivier Thillou
Lumières Bruno Brinas
Régie audiovisuelle Claire Roygnan
Régie générale et régie plateau en création Baptiste Delestre
Administration de production Carine Hily
Diffusion Laurent Pla Tarruella
Production Mon grand l’ombre
Coproduction Théâtre de Corbeil-Essonnes / Communauté d’Agglomération Grand Paris
Sud Seine-Essonne-Sénart, la Faïencerie à Creil, le Festi’Val de Marne, Théâtre et cinéma
G. Simenon à Rosny sous-bois.
Avec le soutien de l’Espace Germinal à Fosses et l’Espace Sarah Bernhardt à Goussainville.
La compagnie est conventionnée par la DRAC Île-de-France – Ministère de la Culture et de
la Communication et soutenue par le département de Seine Saint Denis.Durée : 50 min
A partir de 7 ansPrésenté dans le cadre du Festival Silence, du 24 au 28 mai 2023, au Théâtre et Cinéma Georges Simenon – Rosny-sous-bois
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