Joli seul en scène fabriqué à trois par la réunion fructueuse d’un comédien, Hugo Randrianatoavina, d’un metteur en scène, Barthélémy Fortier et d’un auteur, Alexandre Cordier, Diego est un récit de vie au pas de course, celui d’un jeune homme né sous le signe du football, aspiré par le théâtre.
Naître à l’instant précis où la France fut sacrée championne du monde en 1998, c’est voir sa vie placée sous le signe du football forcément. Surtout quand ton propre père fan de foot te prénomme Diego en référence à Maradona, figure mythique du football argentin, enfant des bidonvilles devenu star internationale connue pour ses exploits sur terrains autant que pour ses frasques et déboires. A lui seul Diego Maradona est un personnage, sa vie, un film. Une ascension vertigineuse doublée d’une chute tout aussi fracassante a de quoi inspirer des velléités de fiction. Tous les ingrédients sont là, gloire, fortune, déchéance. Sauf que Diego n’est pas un biopic sur Maradona quand bien même le célèbre joueur y est convoqué, comme un fantôme qui plane sur la chronologie d’une vie, un spectre qui colle aux baskets, une sorte de parrain imaginaire un peu encombrant qui fait de l’ombre à ses propres aspirations. Diego est un seul en scène sportif élaboré à trois : au plateau, athlétique et déterminé, Hugo Randrianatoavina, à la mise en scène, précise et ciselée, Barthélémy Fortier, à l’écriture, sensible, rythmée, chronométrée, Alexandre Cordier.
On y suit la route, parcourue au pas de course, d’un nouveau né biberonné à la liesse de la victoire jusqu’à sa découverte du théâtre et son choix d’embrasser la voie des plateaux plus que celle des terrains. Plutôt que le banc de touche, Diego choisira la lumière des projecteurs. Mais comme dans toute histoire bien ficelée, ce qui compte ici, ce n’est ni le point de départ ni le point d’arrivée mais entre et comment l’on passe de l’un à l’autre. Diego est un récit simple mais direct, délicat dans ses détails, qui aborde le poids de l’héritage, des projections parentales et des injonctions sociales, les attentes des autres à son égard, la relation au père, la confiance en soi, comment se construire dans le désir de ceux qui nous entourent et contacter le sien propre, son endroit, ses envies, sa spécificité, comment les rencontres influent aussi, nous apprennent à nous connaître et à embrasser ce qui nous meut. Il y est question d’identification, d’admiration, de déception, de filiation et d’amitiés tout au long d’une vie qui se dessine dans ses prémices, de l’enfance à l’entrée dans l’âge adulte en passant par cette zone trouble et marécageuse de l’adolescence. Au plateau, Hugo Randrianatoavina porte ce récit de vie avec un mélange de douceur et de détermination que ne masque pas son implication physique impressionnante. De bout en bout, son corps est en mouvement, qu’il court sur un tapis de courses, saute d’un bord à l’autre de son lit d’ado, arpente le plateau à grandes enjambées, en baskets puis converses rouge, opérant quelques escales en fond de scène dans les vestiaires où il se change et reprend son souffle. Jamais il ne se pose longtemps, d’un bond se relance à la conquête de son histoire, comme monté sur ressorts.
Ingénieuse et compacte, la scénographie d’Emmanuel Lagarrigue se concentre essentiellement sur ce bloc au centre de la scène qui évoluera au fil de la représentation. D’abord tapis de course, il se fait lit puis s’élève pour éclairer de mille feux notre comédien en herbe, tétanisé au concours du conservatoire avant de se lancer dans une scène épiphanique, clou du spectacle qui vient condenser à elle seule sa dramaturgie. Et de cet écartèlement entre le foot et le théâtre, de cette tension entre le sport et l’art, de cette déchirure entre le milieu d’où l’on vient et celui auquel on accède, entre l’origine et le déplacement/dépassement de soi, cette séquence libératrice qui porte haut la tension en jeu, à l’image de celle qui nous anime face à un match serré, opère le lien, la réunion des contraires, la possibilité d’être soi sans se renier. Et ce socle noir qui servait au départ à propulser l’acteur dans son rythme de course, devenu tremplin ou cheval d’arçon symbolique dans sa chambre d’adolescent déploie alors son arsenal de spots, tous ces yeux lumineux braqués sur l’éclosion d’un artiste. But atteint, victoire de Diego, on est touché en plein cœur.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Diego
Sur une idée originale de Barthélémy Fortier et Hugo Randrianatoavina
Mise en scène Barthélémy Fortier
Avec Hugo Randrianatoavina
Écriture Alexandre Cordier
Collaboration artistique Nina Ballester
Composition et création musicale Tommy Haullard
Scénographie Emmanuel Lagarrigue
Création lumière Nicolas de Castro
Création sonore Clément VallonProduction Cie Ce soir-là, c’était la neige, Olympiade culturelle Paris 2024
Coproduction Le Cresco, L’Espace Sorano, Le CDBM, la ville de Saint-Mandé, la ville de Vincennes, le département du Val-de-Marne
Avec le soutien du Théâtre Public de Montreuil et du Théâtre du Soleil
Remerciements au 104, à Amadeus Audio, au Théâtre National de ChaillotDurée : 1h10
Festival Off d’Avignon 2024
Théâtre La Luna
du 29 juin au 21 Juillet 2024, à 20h05
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