Programmé jusqu’au 8 juillet aux Nuits de Fourvière, Sabotage du NoFit State Circus renverse les codes habituels du cirque.
Le drapeau gallois flotte allègrement dans le ciel. En contrebas, quelques formules venues d’outre-manche affleurent parmi la foule, réchauffant les cœurs et dissipant la grisaille ambiante. Nul doute, nous sommes en terre étrangère, de celles qui nous emportent vers des contrées lointaines où l’imaginaire revit. Le portail d’accès ? Un chapiteau dressé dans le domaine de Lacroix-Laval (Rhône), non loin de Lyon, dans le cadre des Nuits de Fourvière (dont le directeur Dominique Delorme va passer la main à la fin du mois de juillet à Emmanuelle Durand et Vincent Anglade, après deux décennies passées à diriger le festival pluridisciplinaire). L’intérieur entièrement rose dit d’emblée l’excentricité des NoFit State, compagnie circassienne en provenance du Pays-de-Galles qui ne s’interdit rien.
Créé en 2022, Sabotage entremêle les genres, réinventant un nouveau cirque à la croisée des arts. Sur la piste, ils sont une dizaine – performeurs et musiciens jouant en live – à faire vivre cette proposition singulière en tout point. Chacun d’entre eux cultive des talents multiples : musicien et voltigeur, acrobate et créature queer, trompettiste et équilibriste, danseur et funambule… Le spectacle multiplie les sources d’émerveillement.
Autour d’eux, le public, ébahi par ces numéros subjuguant, va de surprise en surprise. On ne dira rien de leur teneur, simplement qu’elles portent sur la piste des personnalités inattendues… Dès l’entrée des spectateurs, la loufoquerie investit le chapiteau. Les personnages prennent forme, les contours de nouveaux mondes se dessinent et la musique lance les festivités. Les notes d’une guitare électrique insufflent l’ambiance rock présente tout au long du show.
Un homme de petite taille fait son entrée, appuyé sur des béquilles. Handicapé ? L’artiste aux lunettes noires évacue la question, dressant ses deux cannes de fer comme des extensions de ses mains, prêtes à jongler. Le rythme de la batterie accompagne les mouvements d’un ballon maîtrisé par cet artiste hors pair, vite éclipsé par de grandes silhouettes noires. Ces dernières s’emparent des panneaux de plexiglas descendant jusqu’à leurs mains. Instantanément, ces parois deviennent des boucliers frappant la piste de concert. Le bruit est semblable à celui des feux d’artifice.
Saisissant par sa mise en scène et ses numéros très travaillés, Sabotage n’est en pas moins un spectacle aux accents politiques. La guerre et l’exil comptent parmi les thèmes abordés. Certaines séquences y font nettement référence, s’inspirant des codes narratifs du théâtre. Entre ces tableaux, le cirque offre sa magie.
La troupe des NoFit State n’hésite pas à défier la gravité, l’espace et le temps. Des enceintes disposées sous le chapiteau troublent parfois nos sens, portant la musique sur les hauteurs ou du côté opposé de l’orchestre. Chaque centimètre cube du chapiteau est exploité comme lorsqu’un cycliste tutoie le sommet ou lorsque des explorateurs surgissent, allongés sur des planches à roulettes et dessinant dans l’obscurité un ballet de points lumineux avec leurs lampes frontales. Sous la piste, ce sont des mains qui apparaissent, manipulant des balles de jonglage ou une voltigeuse suspendue par les cheveux. Dans son ascension vers le ciel, l’artiste déploie avec son corps une chorégraphie calquée sur les bercements d’un piano voix envoûtant. L’image impressionne.
Sabotage tient du mystique avec ses chants incantatoires et ses numéros fantasmagoriques. Le spectacle est traversé par une énergie communicative, cultivée par de brillants artistes (Aurora Morano, Besmir Sula, Bruno Toso, Gracie Marshall, Manu Melani, Renata Flores, Ruby Gaskell, Teddy Helemaryam, Trystan Chambers). Malgré l’entracte et la durée inhabituelle pour un spectacle de cirque – 2h30, ces derniers ne faiblissent pas, emmenés par la folie de Tom Rack et Firenza Guidi, les deux concepteurs. Assurément, les NoFit State savent enflammer les gradins et créer l’inattendu. Ce Sabotage en forme la preuve vivante.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Sabotage
Directeur artistique/producteur : Tom Rack • Auteur/Directeur : Firenza Guidi • Compositeur : David Murray • Costumes : Rhi Matthews • Responsable des agrès : Lyndall Merry, Lee Tinnion, Tom Rack • Conception lumière : Sam Eccles, Firenza Guidi • Conception vidéo : Jon Street • Décor : Lauren Dix • Directrice de tournée : Rebbeca Davies • Manager producteur : Matt Davies • Maître de tente : Hazel Bryan, Simon Wall • Directeur technique : Sam Eccles • Régisseur : Bron Nixon • Chefs : François Neel, Gwen Mendonca • Responsable des costumes : Oskar Howells • Billetterie : Oana Timofte • Cafe Manager : Meg Hookham • FOH : Ross Fraser, Iolo Petersen, Sid Carey • Chef des agrès : Lee Tinnion • Gréeur : Wout Deneyer • Musiciens : Lisa Savini, Toby Mottershead, Simon Wall • Performer : Aurora Morano, Besmir Sula, Bruno Toso, Gracie Marshall, Manu Melani, Renata Flores, Ruby Gaskell, Teddy Helemaryam, Trystan Chambers.Durée 2h30 (avec entracte)
À partir de 8 ansLes nuits de Fourvière
Domaine de Lacroix-Laval
jusqu’au 8 juillet 2023
Magnifique spectacle vu hier soir au parc de Lacroix Laval. Une très belle et joyeuse troupe aux talents éclectiques et un super orchestre pour couronner le tout. Virevoltant et loufoque