La directrice du CDN d’Orléans, Séverine Chavrier, craint la disparition du théâtre, et du label national. Depuis sa nomination à la Comédie de Genève le 19 décembre, aucun processus de recrutement n’a été initié pour la remplacer. L’équipe, qui compte huit salariés et une apprentie, redoute de se faire absorber par la Scène Nationale avec laquelle elle partage les murs. Elle vient de lancer une pétition.
Que se passe-t-il au CDNO, le Centre dramatique national d’Orléans ?
Nous sommes mobilisés contre sa disparition, que nous craignons.
Ce vendredi 3 février, sa fermeture n’est pas actée. Pourquoi pensez-vous qu’elle pourrait le devenir ?
Je quitterai mes fonctions au CDNO en juillet. J’ai été nommée officiellement le 19 décembre à la direction de la Comédie de Genève. Depuis, aucun processus de recrutement une nouvelle direction n’a été enclenché. Nous avons interpellé les tutelles. Le cabinet de madame la préfète du Centre-Val-de-Loire a signé un communiqué précisant qu’une réflexion avec les partenaires publics était en cours, sans mention claire de la pérennité du CDNO. Il y a de quoi être inquiet. Pour l’avenir d’une équipe (huit salariés et une apprentie) et les intermittents qui font vivre la maison. Pour les artistes (qui perdraient un formidable outil de création et de diffusion) et pour le territoire (qui verrait son offre et ses actions culturelles amoindries).
Quelle est la position de l’État, majoritaire dans le financement du CDN ?
Nous attendons un rendez-vous commun avec Madame la ministre de la Culture et de la Communication, les services de la DGCA et de la DRAC. Aujourd’hui, nous n’avons de réponses, ni de l’État, de la ville ou de la région… Pour comprendre la situation, il faut connaître l’une des particularités du CDN d’Orléans. Nous partageons les murs, qui appartiennent à la ville, avec la Scène Nationale et le CADO, Centre national de Création. Avec la Scène Nationale, aussi subventionnée pour la gestion du bâtiment et de l’équipe technique, la cohabitation n’a jamais été simple, même si nous avons toujours veillé à une répartition claire des champs artistiques (Musique, danse et cirque pour la Scène Nationale, Théâtre pour le CDN).
Aujourd’hui il semblerait que le directeur de la Scène Nationale ait des velléités de programmation sur le théâtre ainsi que de création sur les plateaux. Et nous craignons que les tutelles caressent l’idée d’un projet unique. Plus simple à articuler à leurs yeux. Je suis convaincue qu’un projet unique, avec le seul financement de la Scène Nationale, ne serait pas viable. Le lieu dispose de deux grands plateaux et d’une petite salle, il ne pourrait fonctionner avec des moyens réduits. L’une des missions principales du CDN consiste à produire des spectacles, en offrant aux artistes la possibilité de travailler sur un temps long, épaulés par une équipe centrée sur les enjeux de création, contrairement aux missions des Scènes Nationales principalement axées sur la diffusion de spectacle. La disparition du CDN serait un signe tristement négatif, fossoyeur de la création et de toutes les actions de transmissions et d’éducation culturelle.
Or, nous croyons à la diversité des projets, à leur force et à leur cohabitation dans ce théâtre. Je pense que la pérennité économique des structures se situe au contraire dans une articulation solidaire des projets : en plaçant la question de la création et de la présence artistique sur le temps long le Centre Dramatique s’inscrira dans une démarche de durabilité et permettra à la Scène Nationale de retrouver un souffle financier pour la diffusion artistique.
Vous n’avez pas à rougir de votre bilan…
Non, au contraire ! Et tout le monde le reconnaît, à commencer par les tutelles. Je dirige le théâtre depuis 2017. Nous avons élargi le public. Et nous l’avons rajeuni (36% du public a moins de 30 ans). Nous comptons 25% de notre programmation hors-les-murs (permettant d’alléger l’utilisation du Théâtre) et plus de 600 heures d’ateliers avec les jeunes. Nous sommes fiers d’avoir associés des artistes formidables, entre l’émergence et la renommée internationale : Suzanne de Baecque, Vimala Pons, Raoul Collectif, Angélica Liddell.
Qu’adviendra-t-il de l’équipe ?
Aujourd’hui, elle est très mobilisée derrière le CDN, évidemment. Une lettre des salarié.es fut adressée à l’ensemble des tutelles le 26 janvier restée sans réponse à ce jour. Je ne sais pas comment elles et ils trouveraient leur place dans une autre configuration de missions puisque leur travail consiste à l’accompagnement des projets, à l’accueil du public, à la transmission de la culture auprès des jeunes. Le CDNO a une histoire singulière : ces directeurs et directrice ont connu de belles carrières dans l’institution, Stéphane Braunschweig, Olivier Py, Arthur Nauzyciel, … Qui sont mobilisés avec nous. Nous ne pouvons pas permettre la disparition du label sur ce territoire.
Propos recueillis par Igor Hansen-Løve
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