« Une immense actrice et dame de la troupe vient de nous quitter ». Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie-Française vient de révèler l’information dans un communiqué. Denise Gence est décédée dans la nuit de mercredi à jeudi. « Elle était l’actrice d’un théâtre juste et droit qui semblait aussi concret qu’il nous étonnait. Denise était un modèle de modestie, de retenue et de forces mêlées. Une immense actrice avec la voix grave et veloutée, le sourire envoûtant des femmes qui ne se savent pas belles et qui donnent tout à chaque échange. Une actrice entière sans concession, courageuse, généreuse et exigeante ! » poursuit Muriel Mayette.
Denis Gence était entrée à la Comédie-Française en 1946, sociétaire en 1958, elle avait quitté l’institution en 1986, pour y revenir régulièrement en tant que sociétaire honoraire. Sa dernière apparition sur scène. En 2006 elle avait mise en scène « Le Théâtre de Denise Gence » au Vieux-Colombier. Son contrat de pensionnaire stipulait qu’elle était engagée pour des « rôles de composition ». Il n’y aura pour elle ni de tragiques destins d’héroïnes antiques, ni les sanglots des jeunes premières, ni d’amours romantiques. Ses vingt ans à peine révolus, elle endosse les habits des vieilles acariâtres, des douairières inhumaines, des pauvres folles privées d’amour. La comédienne sans emploi précis devient ensuite une jeune sociétaire distribuée dans tous les. La décennie des années 70 est celle de la consécration. Jean-Paul Roussillon, sociétaire et metteur en scène, lui propose dans L’Avare des retrouvailles avec Frosine, dont elle a enfin l’âge, trente ans après sa sortie du conservatoire. A l’Odéon, en 1979, Giorgio Strehler lui a offert le rôle de Sabina dans La Trilogie de la villégiature où le public lui réserve chaque soir de ces représentations historiques un véritable triomphe. Enfin, Jean-Pierre Vincent, devenu administrateur général lui confie en 1983 l’un des paris les plus risqués de sa carrière, la création de Félicité, rôle titre de la pièce de Jean Audureau. En 1986, après 40 ans de carrière, 125 rôles et des milliers de représentations, Denise Gence quitte la Comédie-Française. Sociétaire honoraire, elle retrouvera Pierre Dux au Théâtre national de la Colline pour Les Chaises de Ionesco signées par un autre sociétaire, Jean-Luc Boutté. Sa carrière fastueuse, Denise Gence la doit sans doute à cet art avec lequel elle a su aborder les contrées dramatiques les plus étrangères à ce qu’elle était, à l’intense poésie dont elle a habité tous ses rôles. Ainsi déclarait-elle : « tous les personnages que j’ai interprétés, je les ai cherchés comme opère un plongeur en apnée. Il file par le fond, puis trouve son étoile de mer et revient à la surface avec son trésor. Au fond, nous sommes dans ce que j’appellerai le bleu du réel, et soudain, nous allons vers où nous regardons autrement le monde et les autres.
Denise Gence n’est plus et personne n’en a parlé ou presque. Je n’ai jamais vu une Bélise des Femmes Savantes aussi grandiose dans la folie illuminée qu’elle incarnait sans esbrouffe.
J’aime bien ce qu’elle disait de son métier de comédienne et que vous avez rappelé.
Mercredi dernier elle n’est pas remontée de son voyage en apnée.
Reste l’ombre portée de ses personnages.