La directrice du théâtre de l’Union présente son premier spectacle jeune public, une pièce signée par l’autrice Julie Ménard. Poétique et diablement rythmée, Glovie s’impose dans l’ensemble comme une belle réussite.
Il s’en passe des choses à Limoges. Même au mois novembre. Même quand un vent glacial balaie l’ancienne capitale de la porcelaine. Au théâtre de l’Union, le CDN de la ville, une bande d’enfants vient de prendre le pouvoir ; joyeux bazar garanti. Il y en a trois, hissés sur des tabourets, qui tiennent la billetterie. Deux autres, le visage peinturluré en tigre, complètement hilares, qui font mine d’assurer le service d’ordre. Quelques-uns, encore, qui distribuent sucettes et fraises tagadas au foyer. « Une par personne, ou deux si vous êtes vraiment sympa, parce qu’il faut faire attention aux caries ». Et un dernier, que l’on ne voit pas, mais dont la voix fluette résonne dans les enceintes : « Glovie, le nouveau spectacle d’Aurélie Van Den Daele, va commencer, alors dépêchez-vous » … Alors on se dépêche.
Glovie est une pièce commandée à Aurélie Van Den Daele par plusieurs théâtres en région parisienne, créée juste avant le premier confinement. Donc c’est la fête. Parce que son exploitation fut malmenée par la pandémie. Parce que c’est un spectacle jeune public (conseillé à partir de huit ans) et que les enfants en ont besoin. Et parce qu’Aurélie Van Den Daele, qui a pris ses fonctions au débotté à Limoges en 2021, souhaite tourner la page des années Jean Lambert-wild, dont la gestion calamiteuse du Théâtre de l’Union a laissé de graves séquelles au sein de l’équipe et parmi les étudiants de l’école adossée à l’établissement. Mais c’est une autre histoire… Aujourd’hui, une enquête est en cours. Et nous continuerons à suivre les rebondissements de cette délicate affaire en temps voulu.
Glovie, c’est donc le nom de la protagoniste de la pièce écrite par Julie Ménard (la ou le protagoniste d’ailleurs, puisque son genre n’est jamais identifié). Elle a une dizaine d’années, habite seule avec sa mère et ne veut pas aller en classe. Comme beaucoup d’enfants… À une différence près : Glovie vit dans son imagination. La chambre d’hôtel, où elle réside avec sa mère exilée en France, est un vaisseau spatial à la dérive (le beau dispositif scénique signé Julien Dubuc évoque les films de SF des années 80). La journée, elle fait semblant d’être une écolière parmi d’autres. Mais à la nuit tombée, elle enfile son costume de superhéroïne et s’en va explorer les confins de la navette, déjouant la sagacité d’un veilleur de nuit, pour affronter des créatures effrayantes (dont une pieuvre géante que l’on imagine échappée d’un manga) et des individus malintentionnés qui refusent d’accepter l’indétermination de son genre.
Il faut reconnaître à Aurélie Van Den Daele un sens du rythme remarquable. Au théâtre, les scènes d’actions sont difficiles à monter, en particulier au sein d’un huis clos. Pourtant, celles-ci fusent et le suspense demeure toujours haletant. La metteure en scène, qui signe son premier jeune public, fait participer ses spectateurs au bon moment, distillant avec parcimonie danse et musique. Si l’on déplore une (petite) faiblesse dans la construction du récit, Julie Ménard file ses métaphores sociétales avec beaucoup d’intelligence, de poésie et de délicatesse, mais aurait pu condenser l’intensité dramaturgique de sa narration, surtout vers la fin. Quoi qu’il en soit, l’ambiance électrique déployée par les trois excellents comédiens au plateau aurait raison de tous les bémols du monde. Ce samedi 5 novembre, nous quittions la salle de l’Union en fête, la tête pleine de belles images de théâtre.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Glovie
Mise en scène Aurélie Van Den Daele
Texte Julie Ménard
Dispositif scénique et lumières Invivo, Julien Dubuc
Collaboration artistique et ensemblier Grégory Fernandes Création sonore Invivo Grégoire Durrande
Création musicale Romain Tiriakian
Voix lyrique Pauline Colon
Costumes Elisabeth Cerqueira assistée de Maialen Arestegui et Léna Bataille
Régie générale Arthur Petit
Construction décor César Chaussignand, Quentin Chamay et Victor Veyron
Production Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du Limousin. Glovie est le fruit d’une commande du Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec, de l’Espace Georges Simenon de Rosny-sous-Bois, du Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois, de L’Espace 1789 de Saint-Ouen, du Théâtre au Fil de l’Eau de Pantin, du Centre Culturel Houdremont de la Courneuve et du Département de la Seine-Saint-Denis. Glovie a reçu l’aide de la SPEDIDAM et le soutien du Fonds d’insertion de L’éstba financé par la Région Nouvelle-Aquitaine.
Durée : 1h10
du 5 au 10 novembre 2022
Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du Limousinles 12 et 13 janvier 2023
Le Préau, Centre Dramatique National de Normandie-Viredu 4 au 6 mai 2023
L’Empreinte, Scène nationale de Brive-Tulledu 8 au 10 mai 2023
Le Méta, Centre Dramatique National de Poitiersdu 30 au 1er avril 2023
Théâtre de la Croix Rousse, à Lyon
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