Le collectif (LA)HORDE investit Chaillot pour y proposer une « exposition performative » réunissant cinquante interprètes dans presque une vingtaine de pièces. À la fois pléthorique et chaotique, aussi intéressant que frustrant, le parcours se présente pour certains comme un rendez-vous manqué.
Emprunté à Gene Kelly, le titre hollywoodien WE SHOULD HAVE NEVER WALKED ON THE MOON (« Nous n’aurions jamais dû marcher sur la Lune ») dit déjà beaucoup du caractère aussi démesuré qu’illusionné du projet d’abord présenté au Palais des festivals à Cannes. Ses ambitieux concepteurs ont voulu s’emparer de la vastitude des espaces du théâtre et faire du spectateur un visiteur qui chemine à travers une foisonnante galerie d’installations et de performances. On trouve parmi bon nombre de propositions à la croisée des disciplines scéniques et plastiques, des projections vidéos, des séquences chorégraphiques de durées variables signées (LA)HORDE (leur tube To da bone entre autres) mais aussi Lucinda Childs (Concerto), Oona Doherty (Lazarus), Cecilia Bengolea et François Chaignaud (Grime Ballet).
Tout est enthousiasmant sur le papier. Sauf que la déambulation qui est au cœur même de cette création n’a pas vraiment lieu à Chaillot. Les propositions y sont trop peu accessibles car présentées, pour beaucoup d’entre elles, non pas dans les espaces publics du théâtre mais bien plutôt nichées dans les salles les plus petites et donc aussitôt bondées. Plutôt que la fureur créatrice attendue, se laissent davantage contempler l’errance et l’attente infinies de spectateurs qui ont payé cher leur entrée et ne trouvent pas tous leur place. Nombreux sont ceux qui affluent à la buvette. Les plus téméraires se pressent pour rejoindre de stagnantes files d’attente kilométriques. Sans doute que la jauge d’accueil a été largement surestimée. Sans doute que le choix de placer les performances dans les salles fermées du théâtre plutôt que dans les espaces ouverts manque d’efficacité. En tout cas, l’assistance peine à goûter les joies de la libre circulation et de l’immersion annoncées et ne voit finalement pas s’abolir la canonique configuration salle/scène qui demeure omniprésente dans le dispositif.
Pour autant WE SHOULD HAVE NEVER WALKED ON THE MOON ne manque pas de susciter l’intérêt. L’univers esthétique et organique revêt d’un aspect underground qui séduit. Le long tapis rouge de gala qui recouvre pour l’occasion les marches du grand escalier ne manque pas d’ironie. D’ailleurs, ses bords sont en partie cramés et un cascadeur y réalise une série de chutes burlesques. Au centre du foyer de la danse, a été placée une luxueuse limousine taguée sur tout un côté. Sur les vitres, sur le sol, des slogans sont graffités à la bombe ; notamment celui-ci : « Demain est annulé » compulsivement effacé par des lessiveuses. Les danseurs professionnels du Ballet national de Marseille que les trois fondateurs de (LA)HORDE dirigent depuis 2019, comme les amateurs en nombre, font montre d’un bel engagement et d’un éclatant talent. Au cours des quelques bribes de prestations délivrées, à l’occasion de partitions aussi fugaces que fiévreuses, les corps subjuguent d’éloquence. Ils sont portés par des élans d’énergies variées, contrastées. Ils sont totalement connectés à la fureur et aux troubles du monde, traversés et habités par un violent instinct d’insoumission. Ils s’attirent, s’agrippent, s’étreignent, se séduisent, se défient, se repoussent. Reste à inventer ou peaufiner une forme de représentation qui mette plus en valeur leur increvable désir d’être, de s’exprimer, de danser.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
WE SHOULD HAVE NEVER WALKED ON THE MOON
Conception et mise en scène (LA)Horde – Marine Brutti, Jonathan Debrouwer, Arthur Harel
Assistante artistique Laure Bruno
Collaborateur artistique scénographie Julien Peissel
Chorégraphies Cécilia Bengolea et François Chaignaud, Lucinda Childs, Oona Doherty, (LA)HORDE
Costumes Salomé Poloudenny
Lumières Éric WurtzAvec 27 interprètes du Ballet national de Marseille, 10 jumpers, 4 cascadeurs, 10 performeurs amateurs et le DJ Boe Strummer
Production CCN Ballet national de Marseille
Coproduction Palais des Festivals, mairie de Cannes / Chaillot – Théâtre national de la DanseCommande : Ville de Cannes Production CCN Ballet national de Marseille Coproduction Palais des Festival de Cannes, Chaillot – Théâtre national de la danse Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels et Alpes-Maritimes et Groupe Barrière Première au Palais des Festivals de Cannes les 28 et 29 juillet 2022
Durée : entre deux et trois heures.
Chaillot – Théâtre national de la Danse
Du 27 octobre au 4 novembre 2022
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