Le photographe officiel du Festival d’Avignon depuis dix-huit ans présente son travail à la Maison Jean Vilar. Intitulée L’œil présent, l’exposition constitue la première consacrée à l’aventure du Festival et des spectacles qui y ont été joués.
Passionné par la photographie dès son plus jeune âge, Christophe Raynaud de Lage étudie à l’Ecole nationale supérieure Louis Lumière et s’engage en parallèle dans la photo de spectacle vivant, au Festival international de théâtre de rue d’Aurillac. Pendant les premiers temps de sa carrière il combine cette pratique avec la photo de nature morte, jusqu’à pouvoir, dix ans plus tard, se consacrer uniquement au spectacle vivant. Rencontre.
Qu’est-ce qui vous a attiré vers le spectacle vivant ?
J’ai commencé la photo avec un travail de studio, des commandes, des contraintes. Pour moi le spectacle vivant est un espace de liberté. Pour les arts de la rue, le cirque, le théâtre, la danse, si la photo peut être réussie ou pas, on ne m’intime jamais de point de vue, contrairement à ce que je faisais en nature morte. Et puis j’aime les artistes. La photographie permet d’établir un lien très fort avec eux et cela me passionne de plus en plus.
Comment vous êtes-vous retrouvé à Avignon ?
Comme la majorité des événements de ma vie, Avignon est une histoire de rencontre. Entre 1998 et 2000, j’étais venu en tant que photographe indépendant, avec mon appareil argentique noir et blanc, mais sans trouver le succès à proprement parler. Comme cela me coûtait cher, j’ai décidé d’arrêter. En 2005, je n’y pensais plus, mais des personnes travaillant au service de presse, se souvenant de moi, m’ont encouragé à candidater pour le poste de photographe officiel. Je m’en souviens très bien car j’étais en convalescence, et mon premier festival a tenu le rôle d’une rééducation expéditive.
Est-ce que vous adressez les photos réalisées aux artistes ?
Oui, bien sûr, c’est aussi quelque chose que je partage, parce que finalement eux ne voient pas le spectacle et je leur restitue ce que nous, public, voyons. Pour eux c’est souvent émouvant, et j’aime partager cela. J’aime à me percevoir comme un passeur d’émotions, pour moi c’est ça aussi le spectacle vivant.
Comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas vraiment de mémoire photographique du Festival et que cette exposition soit la première du genre ?
Ça a été vraiment ma démarche de tenter de comprendre cette mémoire compliquée et dispersée. Après Agnès Varda [qui fut de 1948 à 1960 la photographe officielle du Festival à la demande de Jean Vilar, NDLR], c’est un peu flou, parce que le Festival faisait appel pour ses images à des agences de presse. Dès mon arrivée, j’ai commencé à constituer cette mémoire. Sans savoir combien de temps je resterais, j’ai tout archivé, classé et sauvegardé.
Vous décrivez vos photos comme « un reflet de ce qui fut, un instant arrêté ». Quel est selon vous le rôle de la photographie dans le spectacle vivant ?
C’est exactement cela le spectacle vivant, chaque représentation est unique. C’est la conjonction d’un moment entre le public et les artistes, et si vous revenez le lendemain tout sera différent. La photographie est une tentative de retrouver cet instant là, suspendu, unique. Dans l’exposition, j’ai poussé l’exercice de l’instant suspendu un peu plus loin en légendant les photos à la seconde près.
Qu’essayez-vous de montrer en consacrant une section entière de votre exposition aux photos du public ?
J’ai toujours réalisé beaucoup de photos du public et en étant au milieu de ce dernier. C’est une habitude prise du théâtre de rue, mais, pour moi, c’est ce qui fait festival. Avignon dispose d’un rapport unique entre le public, les spectacles et les lieux mythiques qui permettent ces libertés photographiques. De plus, dans de nombreux spectacles les artistes vont dans les gradins, ou invitent le public sur scène, faisant d’eux plus que de simples spectateurs.
Vous avez décidé dans votre exposition de faire abstraction de toute chronologie. Pourquoi ?
Finalement je ne peux pas être exhaustif. Même si c’est mon dix-huitième Festival en tant que photographe officiel, je ne suis là que temporairement et le temps jouera toujours contre moi. L’idée était vraiment d’évoquer ce qu’est le Festival d’Avignon. La mémoire est là, mais dans un rapport émotionnel plutôt que chronologique. L’exposition parcourt les lieux, le rapport avec le public, la réminiscence des spectacles pour les publics, les coulisses. J’ai tenté de mettre en lumière le foisonnement qui caractérise le Festival.
Propos recueillis par Hanna Bernard – www.sceneweb.fr
L’œil présent / Photographier le Festival d’Avignon au risque de l’instant suspendu
Conception et photographies Christophe Raynaud de Lage
Commissariat d’exposition, textes, lumière, réalisation médias Laurent Gachet
Scénographie Pierre-André Weitz
Vidéo Thomas Bailly
Design sonore David GubitschProduction Festival d’Avignon
Coproduction Association Jean Vilar – Maison Jean Vilar
Avec le soutien de la Bibliothèque nationale de FranceDurée de la visite : 1h
Festival d’Avignon 2022
Maison Jean Vilar
du 7 au 26 juillet, de 11h à 20h
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