Le chorégraphe libanais revient au Festival d’Avignon pour y présenter Du temps où ma mère racontait كما روتها أمي, une pièce sensible et personnelle qui s’offre à la fois comme un cri et un chant vibrants d’amour et de désolation.
Présentée par Ali Chahrour au Festival entre 2016 et 2018, une première trilogie constituée de Fatmeh, Leïla se meurt et May he rise and smell the fragrance était centrée sur les liturgies funéraires dans le monde arabe. Dans la Cour Minérale de l’Université d’Avignon cette année, la mort traverse toujours l’opus d’une nouvelle trilogie, intitulée Amour. C’est un rituel envoûtant s’apparentant à une veillée funèbre que propose l’artiste présent sur scène, notamment dans un splendide solo, mais surtout porté par des femmes charismatiques. Son geste est beau, économe, émouvant. Il accorde une large place à la musique dont la puissance est vectrice d’émotions hypertrophiées, et bien sûr à la danse dont la simplicité est gage de qualité. Des chants, des cris et des pleurs résonnent et saisissent dans la nuit. Des mots aussi. Tous les langages scéniques convoqués traduisent la déploration d’une manière éloquente, quoiqu’aussi un peu redondante ; ils maximalisent le propos dans une forme scénique minimaliste proche de l’oratorio.
Les musiciens Ali Hout et Abed Kobeissy de Two or The Dragon accompagnent tout au long de la représentation les incantations plaintives et rageuses de la chanteuse Hala Omran en faisant magnifiquement se mêler des sonorités orientales traditionnelles et d’autres plus urbaines. De la même manière, la danse se nourrit de culture arabe ancestrale et de mouvements plus contemporains. Une distribution intergénérationnelle livre des tableaux de famille où figurent en majesté les mères. Emblématiques et omniprésentes dans l’œuvre d’Ali Chahrour, elles sont mises en avant comme de véritables héroïnes, dignes, fortes, combatives, certes affligées, mais bien plus déterminées.
Chahrour puise dans son histoire intime et familiale deux récits bouleversants et véritablement révélateurs de ce qui se passe dans son pays, le Liban. Il porte au plateau d’une manière à la fois brute et tendre les histoires de Fatmeh, sa tante libanaise d’origine palestinienne qui n’a jamais accepté que son fils, Hassan, soit mort, à l’âge de 27 ans, en Syrie. Elle n’a jamais cessé de tenter de le retrouver. En parallèle, Laïla, la cousine du père du danseur, a essayé de retenir et de protéger Abbas, son enfant, lorsqu’il avait décidé de devenir combattant et martyr.
Si la quête de Fatmeh est jusqu’au bout restée désespérée, Abbas et Laïla dansent ensemble sur scène pour la première fois. Toute une iconographie de lamentation est convoquée : dans un dépouillement total les interprètes dansent debout, les bras implorants sont tendus vers le ciel, ou souvent à genoux, les corps hiératiques sont couchés au sol, ils se tordent et soudainement convulsent. Empreints d’autant de tendresse que de gravité, ils paraissent éprouvés, mais toujours soudés, pour représenter la force de l’amour et de l’unité à jamais.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Du temps où ma mère racontait كما روتها أمي
Chorégraphie et mise en scène Ali Chahrour
Avec Abbas Al Mawla, Ali Chahrour, Leïla Chahrour, Ali Hout, Abed Kobeissy, Hala Omran
Musique Two or The Dragon (Ali Hout, Abed Kobeissy)
Scénographie Ali Chahrour, Guillaume Tesson
Lumière Guillaume Tesson
Son Woody Naufal
Assistanat à la mise en scène,à la chorégraphie et traduction en anglais Chadi Aoun
Traduction en français Labiba ChaibanProduction Ali Chahrour
Production exécutive Yelostudio
Avec le soutien de Studio Zoukak, Arab Fund for Arts and Culture, the Arab Arts Focus avec Stiftelsen, Studio Emad Eddin & Fondation Ford, Napoli Teatro festival, Saadallah & Lubna Khalil Foundation, Kunstfest Weimar, Zurich Theater Spektakel, Mahmoud Darwish Chair/Bozar
Avec l’aide de l’Institut français de Beyrouth, Barzakh, Beit el Laffe, KED, Mezyan, T-Marbouta, Tawlet, Eid Press
En partenariat avec France Médias MondeDurée : 1h10
Festival d’Avignon 2022
Cour minérale de l’Université d’Avignon
21 au 26 juillet, à 22h
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