Proposant des mises en lecture de textes interprétées par leur autrice, Shaeirat #1 et #2 شاعرات immerge dans la richesse poétique de quatre écrivaines contemporaines des pays arabes.
En 2019, Henri jules Julien présentait au Festival d’Avignon Mahmoud & Nini, un spectacle abordant notamment la question des stéréotypes orientalistes racistes. Travaillant comme producteur, metteur en scène ou, encore, traducteur, il propose cette année Shaeirat شاعرات (« poétesses »). Ce dispositif qui entend faire découvrir des autrices des mondes arabes réunit pour son premier geste à Avignon quatre d’entre elles. Ce sont, ainsi, quatre propositions autonomes les unes des autres qui se déplient en deux formes (Shaeirat 1 et 2), et qui tourneront dans les mois prochains en Europe et dans les pays arabes.
Et c’est peu de dire que ce projet permet d’aborder des voix singulières fortes, pas forcément traduites et publiées en France. Si la poétesse Carol Sansour (née en 1972 à Jérusalem et installée aujourd’hui en Grèce) a son cycle de poèmes À la saison des abricots édité chez Héros limite, si la poétesse et romancière marocaine (née en 1989) Soukaina Habiballah a certains de ses écrits publiés en français, si le poème de la syrienne Rasha Omran (née en 1964 et exilée depuis 2012 en Égypte) a paru en 2021 chez Héros limite également, les écrits d’Asmaa Azaizeh (palestinienne née en 1985) demeurent pour l’instant encore inédits en français. Et à découvrir la performance de cette dernière l’on ne peut que souhaiter que Shaeirat شاعرات soit un levier pour une publication francophone de sa poésie.
Dans Ne me croyez pas si je vous parle de la guerre, Asmaa Azaizeh partage la scène avec la musicienne et chanteuse Haya Zaatry. Tandis que sont projetées sur un écran derrière elles des images (femme dormant sur une plage, sac et ressac des vagues sur le sable, paysage aride, homme dormant au pied d’arbres, la vieille ville de Haïfa, vidéos de JT sur la chute de Bagdad, etc.), Asmaa Azaizeh lit sa poésie à la belle intensité – traduite via des sous-titres intégrés à la vidéo. « La guerre me préoccupe, mais j’ai peur d’écrire sur elle » débute-t-elle. Cette dernière traverse pourtant l’œuvre de la poétesse et chemine dans son écriture solaire et directe. Reliant puissamment des enjeux intimes et politiques et transmettant des sensations sans oblitérer le contexte palestinien, cette performance séduit autant par la qualité des textes que par la forme proposée. Le duo composé avec Haya Zaatry amplifie les récits lus, la musique comme les chants soutenant l’interprétation irradiante d’Asmaa Azaizeh, tandis que les vidéos ou images projetées (signés par Adam Zuabi) ouvrent vers ce territoire palestinien sans l’illustrer.
Seule des quatre propositions à ne pas être mise en scène par Henri jules Julien, celle-ci est aussi la plus convaincante car la plus cohérente. Là où Carol Sansour et Soukaina Habiballah proposent une lecture classique formellement – la première étant accompagnée par Christelle Saez à la lecture des poèmes en français, la seconde alternant elle-même lecture en arabe puis en français – Rasha Omran porte également ses poèmes dans une forme mise en scène. Accompagnée par Nanda Mohammad (donnant la version française des poèmes) et Isabelle Duthoit au chant, la poétesse déplie dans Celle qui habitait la maison avant moi la vie d’une femme de cinquante ans et la solitude à laquelle elle se confronte.
C’est dans le noir complet que débute ce poème. Bientôt la voix de Rasha Omran s’élève, rejointe par celle de Nanda Mohammad. Les phrases se coupent, se répètent, se suspendent, parfois accompagnées par le chant d’Isabelle Duthoit. Dans un espace où la création lumières et son dispositif atypique (les lumières étant projetées sur des panneaux légèrement mobiles) crée des atmosphères chaudes, évoquant l’espace clos d’une maison, les trois artistes évoluent lentement. Hiératique, séduisante par le montage effectué entre les textes en arabe, ceux en français et le chant, la forme laisse néanmoins un brin circonspecte. Travaillant les limites vocales (râles gutturaux évoquant les chants dyphoniques ou chants très aigus), la chanteuse est aussi impressionnante par la maîtrise de son art que crispante par l’effet produit qui tend à mettre l’ensemble à distance.
Si – c’est le jeu – certains lectures convaincront plus que d’autres, Shaeirat شاعرات permet de découvrir la richesse de la poésie contemporaine arabe produite par des poétesses. Et qu’il s’agisse de Rasha Omran, de Asmaa Azaizeh, de Carol Sansour – dont les textes alternent entre récits de la vie quotidienne, souvenirs et listes (énumérant par exemple des lieux) – ou de Soukaina Habiballah – qui entrelace un dialogue traversé de rancœur entre une grand-mère et sa petite fille, et ponctué de voix et de berceuses de femmes très touchantes – l’ensemble révèle des écritures exigeantes, sensibles et traversées d’enjeux politiques forts (la situation de la Palestine, l’exil ou encore le féminisme). Une poésie vivante et au présent.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Shaeirat #1 شاعرات
À la saison des abricots
Poème Carole Sansour
Dramaturgie Henri jules Julien
Avec Carole Sansour, Christelle Saez
Production Haraka Baraka
Coproduction Théâtre Cinéma de Choisy-le-Roi Scène conventionnée pour la diversité linguistique
Résidence Association Jean Vilar – Maison Jean Vilar
En partenariat avec France Médias MondeNe me croyez pas si je vous parle de la guerre
Poème Asmaa Azaizeh
Avec Asmaa Azaizeh, Haya Zaatry
Musique, chant Haya Zaatry
Vidéo Adam Zuabi
Traduction en français pour le surtitrage Henri jules Julien, Mireille MikhaïlProduction Asmaa Azaizeh, Haya Zaatry, Adam Zuabi
Production déléguée Haraka Baraka
Coproduction Théâtre Cinéma de Choisy-le-Roi Scène conventionnée pour
la diversité linguistique
En partenariat avec France Médias MondeDurée : 2h30 (entracte compris)
Shaeirat #2 شاعرات
Dodo ya Momo do
Poème Soukaina Habiballah
Dramaturgie Henri jules Julien
Avec Soukaina Habiballah
Son Zouheir Atbane
Production Haraka Baraka
Coproduction Institut français du Maroc, Théâtre Cinéma de Choisy-le-Roi
Scène conventionnée pour la diversité linguistique
Avec le soutien de l’Institut français de Casablanca
En partenariat avec France Médias MondeCelle qui habitait la maison avant moi
Poème Rasha Omran
Chant Isabelle Duthoit
Mise en scène Henri jules Julien
Avec Isabelle Duthoit, Nanda Mohammad, Rasha Omran
Lumières Christophe Cardoen
Production Haraka Baraka
Coproduction CCAM scène nationale Vandoeuvre-les-Nancy
Avec le soutien de la Drac Île de France – ministère de la Culture, Conseil
Régional Île de France, Orient Production Le Caire
En partenariat avec France Médias MondeDurée : 2h30 (entracte compris)
Festival d’Avignon 2022
Gymnase du Lycée Saint-Joseph
du 16 au 19 juilletEn tournée :
À la saison des abricots
Centre Culturel André Malraux, Vandoeuvre-lès-Nancy
du 17 au 19 mars 2023La Halle aux Grains, Blois
les 21 et 22 mars,Le Grand R, La Roche-sur-Yon
le 23 marsAthénor Scène nomade, Saint-Nazaire
les 24 et 25 marsThéâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
le 29 marsLe Safran, Amiens
le 5 avrilLa Scène nationale d’Orléans
le 12 maiCentre de Culture ABC, La Chaux-de-Fonds
les 14 et 15 maiNe me croyez pas si je vous parle de la guerre
Centre Culturel André Malraux, Vandoeuvre-lès-Nancy
les 17 et 18 mars 2023Le Grand R, La Roche-sur-Yon
le 23 marsAthénor Scène nomade, Saint-Nazaire
les 25 et 26 marsThéâtre Cinéma de Choisy-le-Roi
le 30 marsMaison de la Culture d’Amiens
le 3 avrilLa Scène nationale d’Orléans
le 11 maiTPR – Théâtre Populaire Romand, La Chaux-de-Fonds
le 11 maiLe Lieu unique, Nantes
le 24 maiDodo ya Momo do
Centre Culturel André Malraux, Vandoeuvre-lès-Nancy
du 17 au 19 mars 2023La Halle aux Grains, Blois
les 21 et 22 marsLe Grand R, La Roche-sur-Yon
le 23 marsAthénor Scène nomade, Saint-Nazaire
les 25 et 26 marsThéâtre Cinéma de Choisy-le-Roi
le 30 marsCentre Culturel Jacques Tati, Amiens
le 4 avrilLa Scène nationale d’Orléans
le 12 maiClub 44, La Chaux-de-Fonds
le 16 maiLe Lieu unique, Nantes
le 24 maiCelle qui habitait la maison avant moi
La Halle aux Grains, Blois
les 21 et 22 mars 2023Athénor scène nomade, Saint-Nazaire
les 24 et 25 marsThéâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
le 29 marsCentre Culturel André Malraux, Vandoeuvre-lès-Nancy
les 4 et 5 avrilMaison du Théâtre d’Amiens
le 6 avrilLe Pannonica, Nantes
le 10 maiLa Scène nationale d’Orléans
le 12 maiCentre de Culture ABC, La Chaux-de-Fonds
les 14 et 15 mai
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