Amir Reza Koohestani met en scène le sort de réfugiés dans une salle d’attente à l’aéroport de Munich, où se mêlent les personnages du roman d’Anna Seghers, Transit, et son expérience personnelle. Un spectacle froid et décevant.
C’est une drôle d’histoire faite de hasards et de coïncidences. En 2018, alors qu’il se rend à Santiago au Chili, Amir Reza Koohestani est arrêté à l’aéroport de Munich, en Allemagne ; un problème de visa, à la fois banal et sans importance ; un problème de visa forcément choquant et traumatisant. Le metteur en scène est auteur, il est aussi Iranien et travaille régulièrement outre-Rhin, où il crée des pièces pour les plateaux européens (en 2018 il présentait l’excellent Hearing au Festival d’Avignon). L’artiste, qui a le tort d’avoir deux visas Schengen, est retenu pendant presque 18 heures dans un no man’s land nommé « la salle d’attente », où, comme tant d’autres, il est suspendu à une décision policière : sera-t-il renvoyé en Iran ? Pourra-t-il se rendre au Chili ? L’expérience est désagréable, mais elle est surtout étonnante puisqu’à ce moment-là Amir Reza Koohestani planche sur l’adaptation du roman d’Anna Seghers, intitulé Transit. Écrit en 1943, le texte traite de l’exil, des frontières et du sort des réfugiés au travers du parcours d’un jeune homme tentant de fuir Marseille, en usurpant l’identité de l’un de ses compatriotes suicidés.
L’idée fait son chemin. Amir Reza Koohestani y voit des signes. Il découvre surtout, au fil de cette expérience, le sort des gens perdus entre les frontières et confrontés à une bureaucratie désincarnée ; des individus sans argent, sans contact, sans avocat… Des réfugiés en somme, contrairement à lui. Il s’improvise journaliste et consigne tout ce qu’il observe dans un carnet. Puis, il se met au travail et imagine cette pièce, En Transit. Il invente un personnage, son double, qui sera au cœur de l’histoire, dans les limbes d’un espace-temps indéterminé, où se croiseront, pêle-mêle, les personnages du roman d’Anna Seghers, des officiers de police allemands de 2018 et plusieurs réfugiés rencontrés dans cette « salle d’attente ».
Amir Reza Koohestani figure un décor minimaliste : les tons sont gris, les personnages dialoguent par box interposés, par caméras interposées, par interprètes interposés… La machinerie anxiogène est kafkaïenne, l’individu est réduit à néant. Et pour dénoncer la dimension systémique de l’expérience, l’artiste attribue plusieurs rôles à ses acteurs (une réfugiée devient un officier, puis redevient une réfugiée, puis un personnage d’Anna Seghers…) Résultat, il règne une grande confusion au plateau ; on s’y perd et aucune empathie n’est possible. Dans cet aéroport, les situations sont incomparables. Il n’existe que des destins brisés, que l’on aurait aimé suivre dans les méandres de leur singularité.
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
En Transit
Mise en scène Amir Reza Koohestani, librement adapté de Transit d’Anna Seghers
Adaptation Amir Reza Koohestani, Massoumeh Lahidji, Keyvan Sarreshteh
Traduction Massoumeh Lahidji
Avec Danae Dario, Agathe Lecomte, Khazar Masoumi, Mahin Sadri
Scénographie, lumière Éric Soyer
Vidéo Phillip Hohenwarter
Musique Benjamin Vicq (composition)
Costumes Marie Artamonoff
Assistanat à la mise en scène Isabela De Moraes Evangelista
Traduction en français et en anglais pour le surtitrage Massoumeh LahidjiProduction Comédie de Genève
Coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe-Paris, TNB-Rennes, CSS Teatro stabile di innovazione del FVG-Udine, Mehr Theatre Group, Le Maillon-scène européenne-théâtre de Strasbourg, FOG Festival-Triennale di MilanoDurée : 1h25
Festival d’Avignon 2022, Gymnase du Lycée Mistral
du 7 au 14 juilletOdéon-Théâtre de l’Europe, Paris
du 5 novembre au 1er décembreLe Maillon, Strasbourg
du 25 au 27 janvier 2023Teatro Metastasio di Prato
du 2 au 5 févrierThéâtre national de Bretagne, Rennes
du 7 au 10 marsCDN Orléans / Centre-Val de Loire
les 15 et 16 mars
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