« Andy De Groat, inspirations et libertés » propose durant deux mois de (re)découvrir l’œuvre du chorégraphe américain disparu en 2019. Une exposition au Centre National de la Danse, des performances, table ronde et workshop vont rythmer ce printemps De Groat. Laurent Sebillotte, commissaire de l’exposition, revient sur un parcours unique.
Comment présenter Andy De Groat au public aujourd’hui qui ne le connaît peut être pas ?
Je dirais d’abord que c’était un « Américain à Paris » : compagnon de route de Robert Wilson, celui du Regard du sourd, d’Einstein on the beach ou de la Flûte enchantée, mais aussi très proche de Jerome Robbins, Andy était issu de la mouvance postmoderne. Il fut célébré à Paris d’abord pour son art du spinning (mouvement de rotation) et une esthétique radicale et minimaliste, mais s’il fut très tôt soutenu par la France, il eut toujours un peu de mal à s’acclimater aux règles de la politique culturelle publique.
Ensuite je dirais aussitôt qu’on peut le définir tout aussi bien à travers sa passion pour le ballet et ses relectures du répertoire classique, ou encore en insistant sur le plaisir qu’il prenait à se confronter à divers vocabulaires pour en révéler les codes et en jouer, le Bharata natyam indien, le tango, mais aussi allant puiser dans d’autres arts, l’esthétique baroque ou la littérature d’anticipation.
Ce qui frappe au fond, c’est comment il n’y a pas une couleur, une veine, un « style Andy De Groat », au sens où ses pièces seraient identifiables au premier coup d’œil, mais qu’il y a bien une « manière Andy De Groat », qui associe rigueur de la construction et liberté de jeu, sérieux, responsabilité de l’acte poétique et fantaisie, audace, second degré.
Enfin on doit dire aussi que c’était une personnalité complexe mais très attachante, aux inspirations multiples, et donc aussi très passionnante pour elle-même.
Quelle a été son influence sur une génération de danseurs et chorégraphes ?
Une influence sur plusieurs générations ! On est frappé par l’émotion et la vigueur encore des souvenirs de ses compagnons de création des années newyorkaises entre 1967 et 1982, tout comme la revendication de son influence par les plus jeunes danseurs recrutés et formés à Montauban au tournant des années 1990 et 2000, sans oublier les contemporains de la « jeune danse française » des années 80 et les danseurs de l’Opéra de Paris qui ont été parmi ses amis et complices les plus fidèles. Que disent-ils tous ? Qu’Andy De Groat savait les considérer tels qu’ils étaient, avec leurs moyens, leur histoire, leur savoir-faire propre et « greffer dessus sa construction, sa poésie, son écoute de la musique, ses propositions à la fois très libres et très codées », comme l’a dit Jean Guizerix. On a parlé de sa compréhension du danseur comme médium, un danseur envisagé comme co-créateur d’une œuvre commune où il s’agit d’aller ailleurs, ensemble, plus loin, et même dans la reprise ou la citation d’œuvres anciennes. Wilfride Piollet disait d’Andy que « c’est celui qui va toujours vers la possibilité neuve, même avec des matériaux existants ». De Groat admirait profondément l’art des danseurs et ce que les danseurs aimaient, c’était qu’il parvenait à les emmener sur des chemins qu’ils n’auraient jamais imaginés ou trouvés seuls. Tout en les laissant libres.
Une exposition, des rencontres et des spectacles. Comment ce programme s’est-il constitué ? Peut-on parler d’un archipel Andy ?
L’envie, précisément, c’était de multiplier les façons d’aborder ce créateur, pour en éclairer plusieurs facettes. Montrer des pièces – et particulièrement celles de la période américaine choisie pour amorcer le projet de réactivation de l’œuvre d’Andy par ses anciens danseurs – mais aussi en questionner la structure et les modalités de création. Donner l’occasion aux danseurs d’aujourd’hui de se frotter à sa manière de travailler mais aussi reconduire son invitation constante aux enfants et aux amateurs. Enfin révéler les archives très substantielles qu’il nous a confiées et s’appuyer sur elles pour inscrire son œuvre et son art aussi bien dans une histoire culturelle et de la danse, que dans le courant d’une existence singulière. D’où cette exposition, et la publication correspondante, qui proposent en effet diverses voies d’approche de ce que l’on peut bien considérer comme un archipel, c’est-à-dire non pas un éparpillement de terres qui se seraient disjointes mais un ensemble de lieux, de choses, d’îles qui s’inscrivent dans une mer commune et s’ancrent dans un terreau commun.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
« Andy De Groat, inspirations et libertés » du 14 avril au 24 juin, CND Pantin www.cnd.fr
Soirée de performances le 1/6. Spectacle Andy De Groat, une histoire post-moderne (Fan Dance, Rope Dance Translations, Red Notes) avec la MC93 et les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
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