Le festival des Giboulées 2022 organisé par le CDN – TJP de Strasbourg se déroule du 4 au 19 mars, deux ans après l’annulation de l’édition 2020. Un hommage sera rendu à André Pomarat, fondateur du TJP décédé en 2020. Ce sera aussi la dernière édition sous la direction du marionnettiste Renaud Herbin.
Il y a deux ans, l’édition a été annulée au dernier moment par le Préfet du Bas-Rhin. Vous avez été le premier le festival de France stoppé dans son élan par l’arrivée de la pandémie. Quel souvenir vous en conservez ?
On était bien malheureux de cette situation et on est d’autant plus heureux cette année de se retrouver autour de multiples propositions. Et c’est avec cette mémoire là, inscrite en nous, cette frustration suspendue en plein vol, que nous reprenons le fil de l’histoire.
Comment se porte depuis deux ans les artistes qui défendent le théâtre d’objets, le théâtre de la marionnette ?
Les artistes ont vraiment souffert de cette situation comme l’ensemble de la population a souffert. Cela a forcément été une remise en question profonde sur la raison d’être de nos métiers, sur la façon dont on s’inscrit dans la société. On est plein de questionnements. Les artistes ont beaucoup travaillé même si souvent ils ont été éloignés des plateaux. Ils ont continué à peaufiner leurs gestes.
L’imagination des artistes est-t-elle toujours aussi foisonnante ?
Oui et on va s’en rendre compte pendant le festival. Les marionnettistes utilisent l’objet figuratif, avec toutes sortes de techniques, mais des ramifications vers les arts visuels ou le champ chorégraphique. C’est ce que je défends depuis des années. Les artistes prennent le pouls du monde. Ils n’ont pas de limites. La richesse et la grande diversité des formes permet une rencontre entre les corps et les matières dans des imaginaires débordants.
Dans cette édition 2022 des Giboulées, il y a 22 spectacles, 13 créations, 16 spectacles que vous accompagnez en production avec votre CDN, le TJP de Strasbourg. Il est plus long avec 47 représentations. C’est parce qu’il y avait urgence, pendant ces deux dernières années, à montrer les spectacles qui n’ont pas pu être montrés à cause des différentes périodes de confinement ?
Oui, c’est le rôle aussi d’un Centre Dramatique National d’accompagner la création, c’est notre travail au long cours et particulièrement sur cette édition. Nous somme le réceptacle et le résultat de tout un processus de création, avec ces reports depuis deux ans. C’est le festival des retrouvailles au moment où l’on peut faire tomber les masques.
Cette édition 2022 débute alors que la guerre gronde aux portes de l’Europe. Et vous êtes à Strasbourg, capitale de l’Europe. Dans quel état sont les artistes ?
On a l’impression que le ciel s’assombrit, que les ombres qui ont traversé la crise sanitaire se déplacent. Déjà cet été, il y a eu la crise en Afghanistan. On a accueilli des Afghans à Strasbourg cet été. Je pense que notre geste artistique est remettre du sensible entre les êtres et les choses. Alors on est très à l’écoute de ce qui se passe pas très loin d’ici à quelques milliers de kilomètres. On est tout à fait concernés par cette situation.
Vous présentez votre nouvelle création Par les bords, elle est justement liée aux Afghans que vous avez été amené à accueillir l’été dernier à Strasbourg ?
Oui, tout à fait. On s’est s’inscrit dans un mouvement national pour accueillir des artistes afghans en danger. Ils viennent en majorité du centre de l’Afghanistan de Bâmiyân, qui est l’endroit où il y avait les trois statues monumentales en haut-relief de bouddha dynamitées en 2001 par les talibans. On les a accompagnés dans toutes les procédures pour franchir les frontières et sortir des griffes des talibans. On a pu créer les conditions de leur accueil et de leur intégration pour qu’ils reconstruisent leur vie. Il ne s’agit pas de faire un spectacle sur eux. J’ai beaucoup trop de pudeur pour cela et je ne cite quasiment pas leurs histoires sur scène. Mais il s’agit de pouvoir parler de ces situations. D’être au bord de sa propre vie, de ne pas avoir choisi son destin, d’être éloigné de sa propre histoire.
Et tout ça, vous le racontez à travers un poème qui compose la colonne vertébrale de votre spectacle. Comment s’articule le spectacle ?
Ce poème est chanté par Sir Alice accompagnée par le oud de Grégory Dargent et il est dansé par le circassien Jean-Baptiste André. Il nous pose la question de savoir comment se tenir encore debout quand le sol se dérobe. C’est une sorte de pièce d’atmosphère entre la chorégraphie, le chant, la musique. Ce poème pousse un cri de rage pour que la vie résiste et prenne le dessus.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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