Christian Lacroix met pour la première fois en scène un spectacle, et quel spectacle, La Vie Parisienne d’Offenbach. Après sa création à Tours et à Rouen, ce chef-d’œuvre de l’opérette passe les fêtes à Paris au Théâtre des Champs-Elysées, avant une tournée. Une production du Palazzetto Bru Zane. Christian Lacroix a mis les petits plats dans les grands, et toute sa fantaisie pour plonger les spectateurs dans le Paris de la fin du 19e siècle.
Vous présentez une version inédite inédite car c’est l’intégralité de l’œuvre telle qu’elle a été imaginée par Offenbach et qui n’a jamais ça a été montée.
C’est comme si on était en 1866 et que l’on entend l’œuvre telle que l’avait voulu Offenbach, avec un air en plus, et quelques-uns qui n’avaient pas pu être chantés parce qu’il n’y avait pas les voix nécessaires. A l’époque, le spectacle était joué par des acteurs qui chantaient un peu, mais avec des tessitures qui ne leur permettaient pas d’interpréter tous les airs. C’est donc vraiment historique.
Comment Le Palazzetto Bru Zane vous a proposé de mettre en scène La Vie Parisienne ?
J’ai entendu un jour Nicole Bru, la présidente de ce Centre de musique romantique française dont la vocation est la redécouverte et le rayonnement international du patrimoine musical français du grand XIXe siècle parler à la radio de son projet. J’ai trouvé cela enthousiaste de promouvoir des œuvres inconnues, de les exhumer. Alors quand la proposition est arrivée, je ne pouvais pas la laisser passer, même si au début mon agent m’a d’abord grondé parce que j’avais dit non parce que je ne connais pas le solfège et que je ne suis pas musicien.
Qu’est ce qui l’a emporté dans votre décision ?
Offenbach ! Car il fait partie de notre patrimoine. C’était un pari pour le Palazzetto Bru Zane et son directeur artistique Alexandre Dratwicki de venir me chercher. Et puis revenir ici au Théâtre des Champs-Elysées, après la création à Rouen, c’est formidable. J’ai beaucoup travaillé dans cette maison en tant que costumier pour Eric Ruf, pour Denis Podalydès.
Pourquoi La Vie Parisienne est une œuvre emblématique du répertoire ?
Cela dit tout de Paris pour quelqu’un qui n’est pas parisien comme moi. Quand je suis monté à Paris, je venais chercher le Paris de la fête, celui dont parle Offenbach. Et en plus, j’ai eu la chance de connaitre mes trois arrières grands-mères. Elles ont été contemporaines d’Offenbach et elles avaient ces airs-là dans la tête. Et puis, c’est une époque qui m’a toujours inspirée quand je faisais de la mode. Et c’était surtout l’idée de remonter le temps, comme si c’était le premier jour.
Monter un opéra, c’est un travail d’équipe, comme dans un maison de couture, non ?
C’est exactement cela, un travail d’équipe. Et là je me suis entouré d’une équipe formidable avec Laurent Delvert qui a beaucoup travaillé à la Comédie-Française avec Eric Ruf et Denis Podalydès, Romain Gilbert qui va mettre en scène au début de l’année Werther à l’Opéra national de Bordeaux et Glyslein Lefever pour la chorégraphie car je voulais que ça danse sur le plateau. Je voulais qu’on invente un nouveau cancan. Je voulais que ça bouge sans arrêt.
Avec en toile de fond, la critique de la société bourgeoise parisienne, et là tous vos personnages sont grotesques à souhait.
Cela me fait un plaisir fou que vous me parliez de cela, car c’est ce que je souhaitais mettre en avant : ce petit côté grinçant, aigre doux voulu par Offenbach dont la vie n’a pas été totalement enchanteresse. Il y a à l’acte 4 – qui n’a pratiquement jamais été joué – qui est un acte beaucoup plus théâtral, la critique gentille de cette noblesse de l’époque qui était un peu bancale, cette noblesse d’Empire. C’était vraiment le triomphe de la bourgeoisie capitaliste. J’adore quand il dit à un moment donné : « Paris deviendra un endroit où seuls les riches pourront venir s’amuser ». Il était très, très visionnaire.
Qu’aimez-vous chez Offenbach ?
Il y a chez lui un côté fanfaron, militaire et puis il bascule dans la subtilité de la grande musique. C’est là où l’on sent le cœur fêlé et fendu d’Offenbach. Je pense que c’est une partie de son génie.
Dans votre mise en scène enlevée, colorée, vous avez glissé au 3e acte un mini défilé de mode, un clin d’œil à votre ancien métier !
Oui je ne voulais pas qu’il soit traditionnel. Il y a des garçons baraqués, un peu transgenres, c’est le Paris d’aujourd’hui, ce sont des musclors en guêpière !
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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