Imaginé comme une réjouissante utopie par Mohamed Rouabhi, l’EHPAD des Hortensias donne à voir de magnifiques personnages. Mais l’élégante mise en scène de Patrick Pineau ne parvient pas à combler une intrigue quasi inexistante.
Si tous les EHPAD de France et de Navarre pouvaient ressembler aux Hortensias, la vieillesse deviendrait nettement plus enviable. Un cadre à couper le souffle : la résidence est une ancienne abbaye située au détour d’un petit village. Une clientèle séduisante : les Hortensias accueillent en priorité des artistes à la retraite issus du spectacle vivant et au charme ravageur. Des employés aimables : à commencer par sa directrice, Marie-Thérèse, dévouée corps et âme au confort de ses pensionnaires et à la pérennité de son établissement. De leur côté, Prosper, Huguette, Lola, Robert et les autres y coulent des jours heureux, jouant aux cartes, peignant les vignobles environnants, discutant de leur gloire passée, malgré leurs inévitables problèmes de santé. Tel est le point de départ de la dernière pièce de Mohamed Rouabhi, mise en scène par Patrick Pineau. Les artistes poursuivent ainsi leur compagnonnage après Jamais seul et Moi Jean-Noël Moulin, président sans fin.
Au terme de ces deux heures vingt, leur création laisse une étrange impression, à la fois séduisante et décevante, qui perdure après la représentation. C’est l’écriture, sans doute, qui est à l’origine de ce sentiment mêlé. L’idée est féconde – cet endroit fantasmé où la vieillesse est sublimée donne lieu à de beaux moments de théâtre -. Le style est poétique – chaque phrase de Mohamed Rouabhi transpire de mélancolie ; les propos sont emprunts de sagesse mais jamais sentencieux -. La galerie de personnages est très réussie – ils existent tous dès la première réplique, l’empathie -. Mais il manque des éléments dramatiques pour mettre le spectacle en mouvement. La question (convenue) de la fermeture des Hortensias, supposée créer une tension narrative, n’a pas suffisamment d’impact sur les protagonistes. L’histoire ne dépasse jamais le stade de l’exposition. Le résultat ressemble davantage au premier épisode d’une (bonne) série télé qu’à une pièce de théâtre aboutie. C’est dommage.
Car la qualité de jeu sur ce plateau est exceptionnelle. À la mise en scène, Patrick Pineau s’est focalisé sur la rencontre générationnelle entre les résidents, leurs enfants et les médecins. On assiste, ému, à l’avènement d’une microsociété réconciliée autour du tabou de la vieillesse. Sans sourciller, les jeunes prennent en charge leurs parents qui, malgré leurs douleurs, profitent de leur âge. En continuant à faire les pitres, notamment, pour notre plus grand plaisir. De Lola Wagner (Monique Brun), ancienne artiste de cabaret, glamour jusqu’à la moelle, offre une séquence d’anthologie lors d’une visite médicale à Robert Lachesnaye (Louis Beyler), flamboyant octogénaire, libertaire jusqu’au bout des ongles, qui réussirait à nous séduire en lisant le bottin en passant par Prosper Robineau (Olivier Perrier), attachant droopy, enfant dans l’âme, qui prend tant de plaisir à voir ses amis picoler, quand son diabète lui impose la sobriété. On meurt d’envie de retrouver ces pensionnaires embarqués dans une autre aventure : mais cette pièce n’est pas à leur hauteur.
Igor Hansen-Love – www.sceneweb.fr
Les Hortensias
Texte Mohamed Rouabhi
Mise en scène Patrick Pineau, compagnie pipo
Assisté de Sylvie Orcier et Chad Colson
Avec Louis Beyler, Monique Brun, Ahmed Hammadi-Chassin, Claire Lasne-Darcueil, Aline Le Berre, Djibril Mbaye, Nadine Moret, Annie Perret, Olivier Perrier, Mohamed Rouabhi, Marie-Paule Trystram
Scénographie Sylvie Orcier
Création Lumières Christian Pinaud
Création musique et son Alexandre Koneski et François Terradot
Création vidéo Ludovic Langg
Costumes Camille Aït-Allouache
Construction décor Ateliers du Théâtre-Sénart
Producteur délégué Théâtre Sénart, Scène nationale
Producteurs associés Théâtre Sénart, Scène nationale, compagnie Pipo
Producteurs associés MC2 Maison de la Culture de Grenoble, MC93 Maison de la Culture de Seine–Saint-Denis, Le Volcan Scène Nationale du Havre, Espace des Arts, Scène Nationale Chalon-sur-Saône, Théâtre des Ilets Centre dramatique national de Montluçon, Théâtre de l’Archipel Scène nationale de Perpignan, Théâtre des Célestins, Lyon
Durée 2h20
MC93, Scène Nationale de Seine–Saint-Denis, Bobigny
Du jeudi 25 au dimanche 28 novembre 2021
Théâtre Gabrielle Robinne de Montluçon
Du mardi 14 au mercredi 15 décembre 2021
Maison de la Culture, Bourges
Mercredi 8 et jeudi 9 mars 2022
Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
Jeudi 24 et vendredi 25 mars 2022
Le Volcan, Le Havre
Mercredi 30 et jeudi 31 mars 2022
MC2 Grenoble, scène nationale
Mercredi 6, jeudi 7, vendredi 8 avril 2022
L’Archipel, Scène nationale de Perpignan
Jeudi 21 et vendredi 22 avril 2022
Théâtre des Célestins, Lyon
Du mercredi 11 au dimanche 15 mai 2022
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