Dans une magnifique scénographie signée du plasticien Bruce Clarke, Matthieu Roy fait entendre à travers neuf monologues écrits par Mihaela Michailov la parole brute et sans tabous des femmes. Le spectacle aborde avec beaucoup de sensibilité les questions du viol, de l’avortement, de l’émancipation. Il est porté par trois comédiennes touchantes, Ysanis Padonou, Iris Parizot et Katia Pascariu. Interview bord de plateau avec le metteur en scène.
Votre nouvelle création Ce sous silence entre nous est une commande passée à l’autrice roumaine Mihaela Michailov. Qui est-elle ?
C’est une jeune autrice de Bucarest à qui j’ai commandé, dans le cadre de la saison franco-roumaine, il y a deux ans, cette pièce inédite qui est un kaléidoscope de parcours de femmes qui questionne les relations mère-fille, la thème de la maternité : faut-il ou non passer par cette case-là pour s’épanouir en tant que femme ? Et quelles sont les difficultés à s’affranchir de cette relation mère-fille pour s’épanouir pleinement en tant que femme dans la société ? Elle écrit en roumain et est traduite en français par Alexandra Lazarescou. Sur le plateau du théâtre, on a fait le choix d’avoir une comédienne roumaine et une comédienne française pour traduire en temps réel cette langue et avoir le plaisir de découvrir des racines communes, qui sont celles du latin qui nous lient avec ce pays, et de se rendre compte que, finalement, on est traversé par les mêmes questions et qu’elles prennent racine dans cette langue commune, maternelle.
Les autrices osent-elles plus de choses dans l’écriture que les auteurs ?
Ah oui, je pense qu’elles apportent des points de vue qui sont extrêmement importants aujourd’hui à défendre, en travaillant, justement, la langue d’une autre manière et en nous faisant entendre des points de vue que nous n’avons pas encore suffisamment sur les plateaux, et qui sont même parfois contradictoires puisque, dans la pièce, Mihaela va jusqu’à faire parler une jeune femme qui exprime son refus d’être mère. Je trouve que ce sont des questions qui ne sont pas souvent abordées et qui libèrent des paroles souvent taboues.
Cette parole là est plus face à dire sur un plateau quand c’est une autrice qui l’écrit ?
Je crois qu’elle est totalement légitime à poser cette question. Et moi même, en tant que metteur en scène, homme, je m’inscris pleinement dans cette réflexion là.
On est dans un festival où les autrices et les auteurs sont très importants. Vous aussi, tout votre travail vous le menez à partir de l’écriture contemporaine. C’est le cœur de votre travail au sein de votre compagnie et également à La Maison Maria Casarès que vous dirigez avec Johanna Silberstein ?
Oui, c’est le cas depuis une dizaine d’années maintenant. Nous passons des commandes d’écriture à des autrices et à des auteurs et j’ai vraiment à cœur de faire entendre leur langue, leur poétique et d’être le premier à monter leur pièce. Et j’espère qu’après ces pièces vont circuler, être publiées et que d’autres artistes vont pouvoir s’en emparer en Roumanie, en France et ailleurs.
Comment travaillez-vous avec les autrices et les auteurs ?
C’est une manière tout à fait ouverte de travailler. Je leur passe une commande et bien souvent c’est une carte blanche que je leur propose afin qu’ils arrivent avec leurs problématiques. Je ne calque pas mes réflexions du moment et je me laisse traverser par ce qu’ils me proposent. Nous sommes dans un dialogue permanent et constant avec le plateau. Les comédiennes et les comédiens s’emparent du texte. Je me préoccupe du réagencement. Par exemple, pour Ce silence entre nous, je n’ai pas forcément respecté l’ordre des tableaux proposés, mais j’en ai induit un nouveau et je pense que ,si la pièce est publiée, Mihaela retrouvera son ordre originel. Mais c’est aussi une manière pour moi de questionner cette dramaturgie et d’y apporter ma modeste contribution.
Est ce que le théâtre devient de plus en plus matriarcal ?
Alors ça, c’est une question très intéressante. Peut-être. En tout cas, ces questions féminines et féministes arrivent de plus en plus sur les plateaux. Et j’ai le sentiment que nous avons fait un spectacle engagé, mais pas militant. C’est à dire qu’il reste ouvert et il n’est pas là pour donner des leçons, mais poser des questions et être dans un dialogue et un échange fructueux avec les femmes, mais aussi avec les hommes.
Propos recueillis par Stéphane Capron – www.sceneweb.fr
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