Matthieu Roy met en scène le vibrant plaidoyer féministe de l’autrice roumaine Mihaela Michailov. Servie par trois excellentes comédiennes, la pièce souffre d’un manque d’illustrations.
D’entrée de jeu, on se croirait à un concert de rock. Trois femmes, tout de noir vêtues, se tiennent droites comme des i sur une scène dépouillée. Elles fixent les spectateurs ; puissantes, magnétiques et intenses. Une lumière crue et aveuglante inonde le public – réveil garanti -. Et c’est parti. La première saisit un violon, entonne une mélodie endiablée. La deuxième se lance dans la construction d’une structure métallique. La troisième prend la parole, en roumain, que la deuxième traduit en français, la première participe à l’érection de la structure, la deuxième prend la parole à son tour… Et, au fil de cette agitation hypnotique, neuf récits s’enchâssent, bruts de décoffrage. Il sera question de maternité non désirée, d’injonctions sociales subies, d’avortements ratés, de parcours brisés et de viols tus. Et autant de portraits de femmes dressés sur les tabous du patriarcat, miroitant avec l’édifice polymorphe bâti au centre du plateau.
Le texte est signé par l’autrice roumaine Mihaela Michailov. Il s’agit d’une commande passée et mise en scène par Matthieu Roy et la compagnie du Veilleur. Ensemble, ils font entendre son plaidoyer : il devrait être possible, en Roumanie et ailleurs, de se réaliser pleinement en tant que femme, sans devenir mère ; il devrait être possible, en Roumanie comme ailleurs, de transmettre de l’amour, sans avoir à enfanter ; il devrait être possible, en Roumanie et ailleurs, d’inventer de nouveaux rapports avec les hommes. Et pourtant… Et pourtant… Et pourtant.
Traversées par l’évidence de cette utopie si péniblement réalisable, les comédiennes exécutent une performance impressionnante, chorégraphiée au couteau par Matthieu Roy : elles virevoltent d’un bout à l’autre du plateau et jonglent entre le français et le roumain avec dextérité. Et pourtant, malgré leur fougue et leur engagement, nous sommes aussi, il faut bien l’avouer, en manque d’illustrations. L’écriture de Mihaela Michailov souffre en effet d’une absence de détails, de descriptions et de véritables scènes de théâtre pour affiner l’émotion renversante qui jaillit sur le plateau. Il faut, hélas, se contenter des visages féminins, peints à l’aquarelle par le plasticien Bruce Clarke. Elles ornent la structure métallique, mais ne collent pas au texte et figent tristement l’imagination. Fermons les yeux pour retrouver la puissance du trio : tout est là.
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
Ce silence entre nous
METTEUR EN SCÈNE : Matthieu Roy
AUTEURE : Mihaela Michailov
TRADUCTION : Alexandra Lazarescou
COLLABORATION ARTISTIQUE : Johanna Silberstein
PLASTICIEN Bruce Clarke
LUMIÈRE Manuel Desfeux
COSTUMES Alex Costantino
ESPACES SONORES Grégoire Leymarie
DISTRIBUTION FRANCO-ROUMAINE : Ysanis Padonou, Iris Parizot et Katia Pascariu23 ET 24 SEPTEMBRE « Francophonies en Limousin », Théâtre de l’Union – CDN de Limoges, LIMOGES
28 SEPTEMBRE Scène Nationale d’Aubusson, AUBUSSON
6 ET 7 OCTOBRE Théâtre Replica, BUCAREST
1ER AU 12 DÉCEMBRE Théâtre Ouvert, PARIS
22 JANVIER Centre Culturel Franco Nigerien, NIAMEY
27 JANVIER Théâtre de Thouars, THOUARS
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