Un monceau de bonnes idées et une démarche pleine de sens, c’est la recette du succès. À l’envers, à l’endroit, maille à maille, tricote un spectacle irréversible sur la thématique du genre.
Et si Blanche-Neige était un garçon ? C’est l’idée rigolote et fertile qui structure À l’envers, à l’endroit, spectacle tout public à partir de 6 ans présenté dans le cadre de la Sélection suisse en Avignon. Si Blanche-Neige était un garçon, donc, il s’appellerait Jean-Neige. Il serait poursuivi parce que sa beauté menace celle de son beau-père qui interroge chaque matin sa casserole miroir, et ce serait une chevalière qui terrasserait la dragonne venue le tuer.
Cédric Leproust et Nidea Henriques, sous la houlette de Muriel Imbach, développent à l’envi autour de ce renversement des genres : les sept nains deviennent des femmes ; Jean-Neige est sage et gentil comme on l’attend d’une jeune fille, enfin d’un jeune homme dans ce monde inversé ; et la fin en baiser volé pour démarrer l’histoire d’amour passe-partout des contes se retrouve largement revisitée. On n’arrivera pas ici à reproduire toute l’inventivité que permet ce dispositif à front renversé, mais on ne peut pas ne pas l’évoquer.
Cédric, grand, mince, doux et facétieux, mène la narration ; Nidea, les bruitages, avec, entre autres, Chevale qui caracole à coups de noix de coco et les feuilles de la forêt qui bruissent à froisser du papier. Des rôles différents, mais une importance à parts égales. Difficile dans ce contexte de faire autrement. Au départ, pour faire connaissance, ils demandent ensemble aux spectateurs de deviner qui a installé les branchements, qui aime chanter, etc.
L’idée ? On prend les stéréotypes, on les met en boîte et on remue pour tout mélanger. Telle est la finalement la recette de ce spectacle cocktail explosif qui fait rigoler les petits comme les grands. Le tout servi par un dispositif d’écoute qui produit malice et complicité puisque c’est au casque que tout s’entend, au micro que tout se dit, s’exprime dans ses nuances et ses variations infimes. Par moment, comme lorsque se battent la chevalière et la dragonne, une musique type de film achève de soutenir la fiction sur un mode aussi efficace que drôle.
Au bout du compte, le genre en prend quand même pas mal pour son grade. Et les histoires aussi. Toutes ces histoires qu’on lit, qu’on montre aux enfants et qui structurent leurs représentations. Ici, pas d’hommes héros, eux attendent sagement à la maison, que des femmes qui défendent le veuf et l’orpheline, que des Asterixa et autres Tintine. L’ironie mordante est poussée jusqu’au bout d’un monde où Blanche-Neige s’appellerait Jean-Neige, où les femmes occuperaient la place des hommes, et vice versa. Mais avec une grande légèreté et pour mieux le dépasser, puisqu’à la fin s’esquisse l’utopie d’un monde où le genre ne serait plus un repère, une contrainte, ni une représentation qui nous oblige à nous conformer.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
À l’envers, à l’endroit
Écriture et mise en scène Muriel Imbach
Avec, en alternance, Nidea Henriques, Cédric Leproust, Cécile Goussard, Adrien Mani
Univers sonore Jérémie Conne
Collaboration dramaturgie Adina Secretan
Collaboration technique Antoine Friderici
Collaboration scénographie Neda Loncarevic
Costumes Isa BoucharlatProduction La Boca della Luna
Coproduction Théâtre Am Stram Gram – création dans le cadre du festival Les Créatives, L’Échandole Avec le soutien du Canton de Vaud, du Pour-cent culturel Migros, de la SIS – Fondation suisse des artistes interprètes, de la Corodis, de la Loterie Romande et Pro Helvetia – Fondation suisse pour la cultureDurée : 40 minutes
Théatre Public Montreuil
du 3 au 8 avril 2023
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