Présenté dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, le ballet obscur et puissant de Marcos Morau place définitivement cette 75e édition du Festival d’Avignon sous le signe de la résistance féminine avec neuf interprètes sidérantes d’intensité.
La dernière création du chorégraphe et metteur en scène espagnol, fortement marquée par le folklore aragonais cher au cinéaste Luis Buñuel, brasse les sources d’inspiration, les images et les langages à foison. Elle fait principalement se rencontrer archaïsme et contemporanéité pour questionner toute en tension nerveuse et urgente la possibilité de libérer l’individu du poids des traditions et de la religion. La pièce démarre sur une bien pesante tonalité mystique en multipliant les motifs religieux : l’imposante croix du Christ échouée au centre du plateau, la récitation polyphonique d’évangiles revisités, les cloches d’église, le feu infernal qui spectaculairement surgit et incendie le mur du Palais… sont autant d’éléments qui montrent l’importance du thème avec lequel Marcos Morau entretient un rapport critique, mais moins explicitement acide et ironique que dans Voronia ou d’autres de ses créations avec le collectif La Véronal.
Une distribution exclusivement féminine apparaît sous la forme d’un bataillon de poupées automates corsetées dans des longs et épais jupons donnant un aspect raide aux corps disloqués qui se meuvent presqu’en glissant comme s’ils étaient mécanisé. Criante de violence, la danse chorale et rituelle de Marcos Morau est aussi musclée que millimétrée, expressive, voire agressive. Franchement emprunte de martialité, elle s’achemine rapidement vers une sorte de séisme visuel et sonore. Le geste adopté est extrêmement rigoureux et soigné, mais ne manque pas d’appuyer lourdement ses effets et par conséquent de saturer. Il demeure une indéniable force viscérale qui permet aussi de conjurer ses tenaces noirceur et froideur.
Hyper-présentes, hyper-ancrées, d’une incroyable vélocité, les danseuses sont à la fois très concrètes et complètement déréalisées en épousant les contours étranges de figures disproportionnées, à l’occasion de jeux d’ombres vertigineux ou d’inquiétantes traversées de menues silhouettes surplombées d’énormes têtes de grands-mères aux traits fripés ou à l’inverse d’un immense corps d’échalas décapité. Plus apaisés, les derniers tableaux laissent aux femmes le soin de révéler une virginale juvénilité. Elles portent des robes blanches et légères, apportent d’opulentes fleurs en couronnes et de petites sphères lumineuses, symboles de libération et de renouveau attendus, et toujours tourbillonnent et tambourinent.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Sonoma
Direction artistique Marcos Morau
Chorégraphie Marcos Morau en collaboration avec les interprètes
Texte El Conde de Torrefiel, La Tristura et Carmina S. Belda
Avec Alba Barral, Àngela Boix, Julia Cambra, Laia Duran, Ariadna Montfort, Núria Navarra, Lorena Nogal, Marina Rodríguez, Sau-Ching Wong
Conseil dramaturgique Roberto Fratini
Répétition Estela Merlos, Alba Barral
Travail vocal Mònica Almirall, Maria Pardo
Scénographie Bernat Jansà, David Pascual
Lumière Bernat Jansà
Effets spéciaux David Pascual
Son Juan Cristóbal Saavedra
Costumes Silvia Delagneau
Couture Ma Carmen Soriano
Chapeaux Nina Pawlowski
Masques Juan Serrano
Construction du géant Martí Doy
Accessoires Mirko ZeniProduction La Veronal
Coproduction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Tanz im August / HAU Hebbel am Ufer, Grec 2020 Festival de Barcelone – Institut de Cultura Ajuntament de Barcelona, Oriente Occidente Dance Festival (Rovereto, Italie), Théâtre de Fribourg, Centro de Cultura Contemporánea Conde-Duque (Madrid), Mercat de les Flors (Barcelone), Temporada Alta (Salt, Espagne), Hessisches Staatsballett (Darmstadt, Allemagne) dans le cadre de Tanzplattform Rhein-Main (Francfort), Sadler’s Wells (Londres), Festival d’Avignon
Avec le soutien de Graner – Fàbriques de Creació (Barcelone), Teatre L’Artesà (El Prat de Llobregat), Inaem Ministère de la Culture et du Sport d’Espagne et ICEC Département de la culture de Catalogne et pour la 75e édition du Festival d’Avignon : Office culturel de l’Ambassade d’Espagne et l’Institut Cervantes de ToulouseSpectacle bénéficiaire du projet de coopération transfrontalière Pyrenart, dans le cadre du Programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre POCTEFA 2014-2020 – Fonds européen de développement régional (Feder).
Durée : 1h15
Festival d’Avignon 2021
Cour d’honneur du Palais des Papes
du 21 au 25 juilletLa Bâtie – Festival de Genève
Les 13 er 14 septembreLe Pavillon Noir, Aix-en-Provence
les 8 et 9 octobreChaillot – Théâtre national de la Danse, Paris
du 20 au 28 janvier 2022
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !