Corps extrêmes, une pièce de haut vol
Sur la scène de Chaillot – Théâtre national de la danse qu’il dirige désormais, Rachid Ouramdane réunit dans Corps extrêmes une belle équipe de danseurs, grimpeurs, voltigeurs dont il poétise le geste aérien et exalte la soif de hauteur et d’absolu.
Étonnamment calme et planante, la pièce place pourtant au cœur de son propos le vertige qui habite et motive ses dix talentueux interprètes, Hamza Benlabied, Airelle Caen, Löric Fouchereau, Nathan Paulin, Arnau Povedano, Ann Raber Cocheril, Belar San Vicente, Maxime Seghers, Seppe Van Looveren, Leo Ward, sportifs de l’extrême et acrobates dont la plupart appartiennent à la compagnie XY avec qui Rachid Ouramdane signait déjà Möbius. Ensemble, ils vont grimper, gravir, arpenter, le géant mur d’escalade percé de multiples points d’accroches qui sert de décor, une surface à la blancheur éclatante sur laquelle ils se déplacent aisément en mouvements reptiliens. Avec une parfaite maîtrise, ils se portent, se jettent, passent de bras en bras, de mains en mains, prennent superbement leur envol comme pour répondre à l’appel impérieux du haut. Quitter la terre, défier la pesanteur, échapper à la gravité, se confronter au vide et se laisser happer, s’élancer, atteindre les sommets, c’est le spectacle vertigineux qu’ils livrent aux spectateurs médusés.
Nathan Paulin, high-liner, pratique régulièrement en milieu naturel. Massives et rocheuses, les montagnes s’affichent en majesté dans toute leur vastitude grâce à des projections vidéos d’une beauté fascinante. Il apparaît pour la première fois en scène suspendu dans les airs sur un fil de funambule tendu de Cour à Jardin au-dessus du plateau. Symétriquement, une danseuse-circassienne marche sur les mains de ses partenaires couchés au sol comme si elle évoluait en totale apesanteur. L’un et l’autre tentent de s’atteindre en s’offrant le luxe de paraphraser l’image mythique de Michel-Ange qui illustre la création d’Adam en faisant se rejoindre sans se toucher le bras tendu puis l’index levé de ce dernier vers Dieu qui lui donne vie.
Il est justement question d’une expérience vitale dans chacun des propos, chacune des figures, que propose la pièce tant les mouvements ascensionnels des corps extrêmes qu’elle met en scène tendent à voir se dépasser les êtres et se démultiplier les sensations ressenties. Ne sont pas pour autant exclus la peur, la chute, la prise de risque, l’accident forcément inhérents à un sport qui invite à explorer et repousser ses capacités comme ses limites et qui requiert une force aussi bien physique que mentale.
Rachid Ouramdane chorégraphie une pièce qui ne cherche pas à susciter l’épate d’une simple virtuosité. Plus que promouvoir la prouesse spectaculaire qui est palpable, il signe plutôt une véritable ode à l’homme puissant et vulnérable, une ode à l’environnement qui l’entoure, une ode au corps et à l’effort, non pas dans une veine herculéenne, mais dans un geste plus sensible car profondément humain. L’importance du rapport à l’autre est mis en valeur à travers un contact, un toucher, d’une singulière et délicate organicité.
Émaillé de portés et de jetés aussi fugaces que frissonnants, le spectacle prend l’air d’une course-poursuite dont le mouvement giratoire cher au chorégraphe embarque et provoque un tourbillon d’émotions. Corps extrêmes tutoie le ciel et délivre sans lourdeur un beau message de liberté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Conception Rachid Ouramdane
Musique Jean-Baptiste Julien
Vidéo Jean-Camille Goimard
Lumière Stéphane Graillot
Régisseur général Sylvain GiraudeauAvec 10 interprètes : David Aubé, Airelle Caen, Nina Caprez, Hamza Benlabied, Yamil Falvella, Löric Fouchereau, Peter Freeman, Nathan Paulin, Belar San Vicente, Seppe Van Looveren
Production CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble – Direction Yoann Bourgeois et Rachid Ouramdane
Coproduction (en cours) Bonlieu Scène nationale Annecy, Théâtre de la Ville – Paris / Chaillot – Théâtre national de la danse avec le soutien de Dance Reflection by Van Cleef & Arpels, Festival Montpellier Danse, l’Estive – Scène nationale de Foix et de l’Ariège, le Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque, le Carreau – Scène nationale de Forbach, la MC2 : Grenoble, le Théâtre Molière – Sète, scène nationale archipel de ThauLe CCN2 est financé par la Drac Auvergne-Rhône-Alpes/Ministère de la culture et de la communication, Grenoble-Alpes Métropole, le Département de l’Isère, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et soutenu par l’Institut français pour les tournées internationales.
Durée : 1h
Création les 11 et 12 mai 2021 à Bonlieu Scène nationale Annecy
Chaillot Théâtre national de la Danse
du 14 au 24 juin 2022Bolzano, Italie 13 juillet 2022
Douai, Le Tandem 20 septembre 2022
Bruxelles, Les Halles de Schaerbeek 28 au 30 septembre
Lyon, Maison de la danse 5 au 8 octobre
St Nazaire, Le Théâtre Scène nationale 10 au 13 novembre
Dijon, L’Opéra 01 décembre
Alès, Le Cratère 08, 09 décembre
Forbach, Le Carreau 13 janvier 2023
Rennes, Théâtre National de Bretagne 18 au 21 janvier
Mulhouse, La Filature 27 janvier
Argenteuil, Le Figuier Blanc 03 février
Creil, La faïencerie 10 février
Arcachon, Théâtre Olympia 08 mars
Bourges, Maison de la Culture 13-14 avril
Londres, Sadler’s Wells 24 – 25 mai
Madrid, Teatros del Canal 03 juin
Sankt Pölten, Festspielhaus 16 juin
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