Plus de 2h30 d’audience, de nombreux intervenants et un débat qui tente difficilement de clarifier les enjeux, l’audience pour la réouverture des lieux de spectacle vivant et de cinéma s’est tenue ce matin au Conseil d’État. La décision finale sera rendue mercredi soir.
Tandis que les vacances sont déjà là, que la situation en Europe, et notamment au Royaume-Uni laisse craindre un début d’année 2021 bien difficile, le spectacle vivant, le cirque et le cinéma étaient unis ce matin pour obtenir l’autorisation de faire rouvrir leurs salles et chapiteaux. Au vu des nuages qui s’amoncellent au-dessus de l’avenir proche, la procédure peut avoir quelque chose d’un peu anachronique. La perspective d’un assouplissement des règles paraissant de plus en plus à contre-courant, bien plus certainement qu’elle ne l’était le 10 décembre, quand Jean Castex annonça que théâtres et cinémas resteraient fermés. Mais au-delà de la question de la réouverture des lieux de spectacle et de cinéma, il s’agit aussi pour le secteur de faire cesser à travers ces référés-liberté l’iniquité de traitement avec les commerces et lieux de culte, autorisés, eux, à exercer leur activité. Et surtout peut-être de tenter de faire reconnaître officiellement, par les plus hautes juridictions du pays un véritable droit à la culture.
La longueur des débats, la présence de Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux au Conseil d’Etat, accompagné de deux juges des référés, un parterre fourni côté salle où figuraient notamment Jean-Michel Ribes, Anna Mougalis ou Francis Lalanne, l’audience de ce matin avait un caractère un peu baroque. Une forme inhabituelle qui souligne aussi combien l’affaire a été prise aux sérieux par toutes les parties concernées
La densité des participants a d’ailleurs peut-être défavorisé la clarté des débats, raconte Mathieu Touzé, directeur du Théâtre 14, présent à l’audience. « Le débat a trop tourné à l’échange entre les différentes parties au lieu de se concentrer sur une argumentation tournée vers les juges », estime-t-il. Mentionnant par exemple la place excessive, pour lui, prise par une association de victimes du coronavirus dont les interventions concourraient toutes à s’opposer à tout assouplissement des mesures, détournant ainsi l’argumentation des questions d’équité de traitement et de place de la culture, essentielles à ses yeux.
Côté État, précise-t-il encore, l’argumentation aura eu le mérite d’assumer officiellement les choix opérés par le gouvernement. « En substance, ils ont dit : « il y a des secteurs qu’on préfère ouvrir et d’autres qu’on préfère fermer » sans vraiment avancer d’arguments supplémentaires . Les juges, eux, ont cherché à savoir ce qui se passait à l’étranger mais aussi s’il y avait des risques particuliers liés aux lieux de spectacle et de cinéma », rapporte Mathieu Touzé.
Jean-Michel Ribes et Adrien de Van, directeurs respectivement du théâtre du Rond-Point et du Paris Villette ont ainsi pu prendre la parole pour expliquer les protocoles sanitaires mis en place dans leur théâtre. Les compagnies de cirque pour expliquer les difficultés économiques engendrées par la situation et souligner que même si les répétitions peuvent se poursuivre, la création risque de s’arrêter puisque le travail de création n’engendre que des coûts qu’aucune recette ne vient compenser. Tandis que l’avocat de la SACD a davantage insisté sur la différence de traitement d’avec les commerces que sur l’écart vis-à-vis des lieux de culte.
Au final, un débat foisonnant qui a donc tenté de déployer les multiples questions que soulève la situation au risque, si l’on en croit Mathieu Touzé, d’une certaine dilution des argumentaires. Également avocat à la ville, le jeune homme sait ce qu’il en est de l’importance de la forme dans les décisions juridiques. On saura mercredi soir si cette profusion d’arguments aura porté ses fruits.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
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