C’est tambour battant que les sept comédien.nes de The Normal Heart portent la première pièce de Larry Kramer exhumée par Virginie de Clausade.
Larry Kramer a fondé Act Up à New-York en 1987, association de lutte contre le sida connue pour son activisme radical et ses actions coups de poing, qui a égrainé ses techniques de militantisme sans concession dans le monde entier. Deux ans auparavant, Larry Kramer écrivait The Normal Heart, pièce ouvertement autobiographique qui relate, avec empathie et lucidité, la période d’émergence du virus au sein de la communauté gay new-yorkaise. Elle s’inscrit sur quatre ans, de 1981 à 1984 et suit un groupe d’homosexuels aux prises avec l’urgence d’avertir, d’informer, de soutenir, aux prises avec ses désaccords, ses contradictions, ses peurs, aux prises avec l’immobilisme et l’indifférence des politiques, aux prises avec la mort d’un côté et la vie qui bât son plein de l’autre. Avec ses comparses, Ned Weeks – double de Larry Kramer -, monte la toute première association dévouée aux malades, la Gay Men’s Health Crisis. A cette époque, le sida n’a pas encore de nom, ses voies de transmission sont encore impénétrables mais il décime chaque jour un peu plus les homosexuels.
Régulièrement jouée aux Etats-Unis, la pièce est passée inaperçue en France malgré sa force de frappe incontestable. Larry Kramer y fait preuve d’une pertinence narrative et d’un sens dramatique remarquables. Les situations sentent le vécu à plein nez, les personnages se dessinent avec justesse, les dialogues fusent et font des étincelles. A tout moment, l’urgence régit les réactions, les enjeux, les relations. Les joutes verbales témoignent des dégâts collatéraux de la maladie, de la difficulté à se fédérer autour d’une même cause, de l’indignation face au déni des autorités… A la fois intime et politique, la pièce touche en plein cœur, réveille la terreur et l’impuissance des débuts, ravive une époque où l’homosexualité était encore considérée comme une maladie, autant de sujets mis en situation par la pièce.
Virginie de Clausade s’en empare avec une distribution magistrale, déployant une mise en scène fluide et rythmée centrée sur le jeu des acteurs. Le décor est sobre, à minima. Seuls quelques éléments de mobilier composent l’espace. Les costumes contextualisent l’époque avec subtilité. Le sel du spectacle, ce sont les comédiens, tous exceptionnels, qui portent le texte avec une fougue et un engagement palpables. Chaque personnalité, chaque individualité se détache et en même temps, ils font groupe, ils font corps, même dans leurs éclats, leurs prises de tête et prises de position opposées, leurs disputes fracassantes. Au bout du compte, c’est l’injustice criante de cette maladie qui vient frapper de plein fouet une liberté sexuelle hautement revendiquée qui nous prend à la gorge. La colère de Ned Weeks, la grande gueule, l’intransigeant, le révolté, nous atteint. Ce spectacle est aussi passionnant que bouleversant.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
The Normal Heart de Larry Kramer
Adaptation et mise en scène : Virginie de Clausade
Avec : Michaël Abiteboul, Joss Berlioux, Andy Gillet, Déborah Grall, Brice Michelini, Jules Pelissier, Dimitri Storoge
Costumes : Colombe Lauriot-Prévost
Traduction et adaptation : Virginie de Clausade
Scénographie : Olivier ProstMENTIONS DE PRODUCTION
Production Les Lucioles, coproduction Théâtre du Rond-Point, en accord avec Frédéric Borriello Communication Spin-Off Conseil — Éric Maillard, coréalisation Théâtre du Rond-Point.Durée : 1H30
Théâtre Labruyère
A partir du 20 janvier 2022
du mercredi au samedi à 21h
matinée samedi à 17h
Je me permets de préciser que la pièce a été créée en France déjà, à l’Espace Cardin en 1987: Mise en scène de Raymond Acquaviva!