Michel Fau met en scène et joue George Dandin de Molière avec le réjouissant goût du faste baroque qu’on lui connaît. Même dans l’outrance, il révèle avec justesse toute la tonalité tragi-comique de la pièce.
Après avoir exacerbé la noirceur du Misanthrope et du Tartuffe quitte à forcer un peu le trait, Michel Fau revient à Molière, et cette fois avec une pièce toujours jugée mineure malgré la défense d’illustres hommes de théâtre tels que Roger Planchon ou plus récemment Jean-Pierre Vincent. C’est symboliquement à l’Opéra royal de Versailles que l’artiste, amoureux de classicisme et d’hyperthéâtralité, a créé en janvier dernier sa version de George Dandin fortement inspirée de la pompe et l’artifice ostentatoires des grands divertissements de cour. Le spectacle est joué en costumes d’époque, brillants de leurs tons vermeilles et de leurs éclats dorés. Au texte de Molière s’adjoint la musique de ballets composés par Lully. A l’occasion d’intermèdes élégiaques et d’un épilogue prenant les traits d’une galante pastorale, quatre chanteurs accompagnés des musiciens de l’Ensemble Marguerite Louis que dirige le claveciniste Gaétan Jarry, célèbrent l’amour.
George Dandin se fait la peinture aussi drôle que cruelle des ambitions contrariées d’un milieu populaire. Certes enrichi, le personnage qui donne son titre à la pièce est en effet un paysan. Vaniteux à souhait, il se donne des airs de gens de qualité mais se voit bien dupé et ridiculisé par la noble femme qu’il s’est achetée pour épouse, mais qui lui préfère un fringant freluquet prénommé Clitandre (comme le petit marquis qui courtise Célimène) issu de sa condition à elle. L’ouverture du spectacle pose d’emblée la tromperie et le jeu de rivalité à venir : Michel Fau, Dandin cocu un brin dodu, d’un geste las et emprunté, fait une entrée moquée et cède aussitôt la place à son adversaire, Armel Cazedepats, revêtant l’aspect également risible d’un prince à l’allure fougueuse et sémillante.
Rarement tendre avec l’institution du mariage et les histoires de couples, Molière souffrait lui-même des trahisons que lui infligeait Armande, la fille de sa femme Madeleine avec qui il s’était uni. C’est sans doute ce qui rend son personnage central aussi bouffon que authentiquement tragique. Et c’est ce que restitue à merveille l’acteur Michel Fau délivrant une interprétation de la pièce comme du rôle éponyme qui oscille en permanence entre un esprit farcesque et une grandeur tragique. Il y a une part indéniable de pitrerie clownesque dans les duos que forment d’un côté le couple de valets formidablement triviaux et fort en verve (Nathalie Savary dans Claudine et Florent Hu dans Lubin) et de l’autre les parents Sotenville (Philippe Girard et Anne-Guersande Ledoux) décadents et décatis jusqu’à l’extravagance.
La mise en scène ne joue évidemment pas la carte du réalisme mais intensifie l’ironie féroce de la satire. Au centre du beau décor symboliste, s’érige une tour en forme de tabernacle dont les étages matérialisent les différences de classes sociales. Tandis que Dandin enrage tout hébété de son mauvais sort en bas de fins troncs enracinés et entrelacés formant un balcon romantique. Son épouse le surplombe de tout en haut comme une icône inaccessible dans une tenue de Vierge couronnée. L’Angélique amourachée d’Alka Balbir ne sera pas qu’une simple coquette et va faire montre d’un fort tempérament. Le plaisir du jeu est grisant. Michel Fau endosse un troublant George Dandin. Avec force mimiques drolatiques et larmoiements plaintifs, il est éminemment risible tout en pénétrant au cœur de la vérité pathétique du personnage grotesque et disgracié.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
George Dandin ou le Mari confondu
comédie en musique de Molière et de Lully
mise en scène Michel Fau
direction musicale Gaétan Jarry costumes Christian Lacroix
décors Emmanuel Charles lumières Joël Fabing
maquillage, coiffes et perruques Véronique Soulier Nguyen
avec la collaboration de la Maison Messaï
assistant à la mise en scène Damien Lefèvre
assistant costumes Jean-Philippe Pons
stagiaires assistants à la mise en scène Barthélémy Fortier et Sacha Vilmar
avec Alka Balbir (Angélique), Armel Cazedepats (Clitandre), Michel Fau (George Dandin), Philippe Girard (Monsieur de Sotenville), Florent Hu (Lubin), Anne-Guersande Ledoux (Madame de Sotenville), Nathalie Savary (Claudine).
4 chanteurs Cécile Achille (soprano), Virginie Thomas (soprano), David Ghilardi (ténor), David Witczak (baryton)
8 musiciens de l’Ensemble Marguerite Louise David Rabinovici (dessus de violon), Satryo Yudomartono (dessus de violon), Maialen Loth (haute-contre de violon), Marion Martineau (viole de gambe), Victoire Felloneau (flûte), Evolène Kiener (basson et flûte), Marco Horvat
(théorbe), Gaétan Jarry (clavecin et direction)
production C.I.C.T. – Théâtre des Bouffes du Nord
coproduction Théâtre de Suresnes – Jean Vilar ; Opéra Royal – Château de Versailles Spectacles ; Théâtre de Caen ; Atelier Théâtre Jean Vilar – Louvainla-Neuve ; Festival de Sablé – L’Entracte, scène conventionnée ; Théâtre de Compiègne.
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
remerciements Opéra national de Paris- Direction Stéphane Lissner ; Opéra National de Bordeaux.Durée: 2h
Tournée 2022
Opéra Royal de Versailles
du 4 au 6 janvier11 janvier 2022 – LE TANGRAM / EVREUX – LOUVIERS
14 et 15 janvier 2022 – PALAIS DES BEAUX – ARTS DE CHARLEROI / BELGIQUE
18 au 22 janvier 2022 – ATELIER THÉÂTRE JEAN VILAR LOUVAIN-LA-NEUVE / BELGIQUE
25 et 26 janvier 2022 – THÉÂTRE IMPÉRIAL DE COMPIÈGNE
28 et 29 janvier 2022 – OPÉRA DE MASSY
1er février 2022 – THÉÂTRE LE FORUM / FRÉJUS
4 février 2022 – THÉÂTRES EN DRACÉNIE / DRAGUIGNAN
10 février 2022 – THÉÂTRE OLYMPIA / ARCACHON
13 février 2022 – OPÉRA GRAND AVIGNON
17 février 2022 – THÉÂTRE DES SABLONS NEUILLY-SUR-SEINE
27 et 28 février 2022 – GRAND THÉÂTRE DE CALAIS
2 avril 2022 – THÉÂTRE DU COURNEAU / AGEN
5 avril 2022 – THÉÂTRE JEAN VILAR / SAINT-QUENTIN
12 et 13 avril 2022 – THÉÂTRE SAINT – LOUIS / PAU
16 avril 2022 – THÉÂTRE DES 2 RIVES / CHARENTON
21 et 22 avril 2022 – THÉÂTRE DE SURESNES JEAN VILAR
6 au 29 mai 2022 – ATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS JOUVET / PARIS
1er et 2 juin 2022 – SCÈNE NATIONALE DE CHAMBÉRY
9 juin 2022 – KONZERT THEATER BERN / SUISSE
14 au 17 juin 2022 – THÉÂTRE DE CAEN
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