Au milieu d’un été amputé de beaucoup de festivals, celui de La Maison Maria Casarès à Alloue en Charente a été maintenu par ses directeurs Johanna Silbertsein et Matthieu Roy. Alloue est devenu en quatre ans, un petit paradis de festival, au temps suspendu, dans un parc de quatre hectares.
La journée d’un festivalier à Alloue est rythmée par trois principaux rendez-vous alliant le théâtre, le patrimoine et la gastronomie. Du goûter au dîner en passant par l’apéro, les plaisirs de la bouche se mêlent aux plaisirs de la scène. La saveur est encore plus exquise cette année pour sa co-directrice Johanna Silbertsein : « C’est très émouvant encore plus cette année avec le confinement et la pandémie. Tous les ans, on passe un an à inventer et rêver ce festival, on a douté, on a tenu. » Matthieu Roy et Johanna Silbertsein ont eu le temps de peaufiner leur 4e saison estivale, car ils ont passé leurs huit mois de confinement au milieu des 5 hectares du Domaine de la Vergne qu’ils dirigent depuis 2017.
Cette année, en raison des mesures de sécurité, l’ancienne maison de maître (inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques) et qui a été la demeure de Maria Casarès est interdite au public. Johanna Silbertsein et Matthieu Roy ont reconstitué une partie des appartements privés de Maria Casarès dans le bâtiment qui sert traditionnellement du théâtre, c’est le lieu de départ de la visite contée qui s’intitule cette année, Les fantômes d’Alloue. L’auteur Rémi de Vos a imaginé une histoire autour de Maria et de six grands écrivains de théâtre, Albert Camus, Jean Genet, Jean Genet, Jean-Paul Sartre et Bernard-Marie Koltès.
A Alloue, la banlieue côtoie la ruralité
Les trois spectacles de la saison 2020 se jouent en extérieur, dans le respect des règles sanitaires. Dans le verger pour le goûter, les familles se délectent de Deux Rien, un duo de mime poétique et clownesque imaginé par Clément Belhache et Caroline Maydat, que l’on retrouve derrière le logis à l’heure de l’apéro en compagnie d’Aurore Déon et de Johanna Silberstein pour la reprise de Prodiges® de Mariette Navarro, l’un des succès de la Compagnie du Veilleur créé en 2012 au Théâtre de Touars, autour du procédé de la vente pyramidale. Puis en guise de dîner, Jeanne Desoubeaux met en scène Les Noces de Samira Sedira, pièce écrite à Alloue lors d’une résidence, commande conjointe de La Poudrerie à Sevran et de La Maison Maria Casarès. L’autrice qui s’est fait connaitre avec son roman L’Odeur des Planches qui est devenu ensuite une pièce avec Sandrine Bonnaire dans une mise en scène de Richard Brunet et qui racontait sa propre expérience de femme de ménage, décrit dans Les Noces, les préparatifs d’un mariage entre un jeune homme habitant Sevran et une jeune femme originaire d’Alloue. Un choc des cultures entre deux mondes qui se méconnaissent. Samira Sedira pour mener à bien l’écriture de sa pièce a mené des entretiens au printemps 2019 avec des habitants des deux territoires. Le résultat donne une satire rondement menée par Cloé Lastère, Arthur Daniel et le musicien Jérémie Archache (en alternance avec Martial Pauliat).
Une création théâtrale qui s’inscrit dans une volonté de décloisonner le théâtre, de le sortir de son implantation institutionnelle. « Ici on retrouve des valeurs avec un circuit court, une manière de produire différemment, de produire de l’alimentation différemment, et de créer un espace de rencontres qui fait tant défaut quand on n’en n’a plus » explique Matthieu Roy. « Surtout dans un territoire éloigné de tout. Ici pour voir un spectacle, il faut prendre sa voiture et faire une heure de route, alors les spectacles viennent aux habitants qui les partagent en famille. » Bien avant l’injonction présidentielle de « réinventer la culture », Johanna Silberstein et Matthieu Roy avaient déjà renouvelé la façon de faire du théâtre, au plus près du territoire.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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