A force d’entendre « réinvention » et de « monde d’après », on pouvait craindre que les bonnes résolutions du secteur du spectacle vivant ne se transforment en informe mantra, en incantation sans lendemain ni traduction concrète. Heureusement, des premières idées voient le jour, qui cherchent à modifier la donne à la fois sous l’angle social et écologique. Nous avons pioché parmi celle du Syndicat National des Metteurs en Scène et de l’association ARVIVA qui vient de se constituer.
Une des premières moutures est issue du Syndicat National des Metteurs en Scène (SNMS) – qui regroupe plus de 150 metteurs et metteuses en scène circulant dans le secteur public et dans le privé. Elle conjugue intérêt général et revendications plus catégorielles, et se propose « de recréer de l’activité et de reconstruire un cercle vertueux de l’économie du spectacle vivant ». Ambitieux !
15 propositions au total, pour la plupart applicables immédiatement traversent questions structurelles du secteur et urgences créées par la Covid. La première des propositions croise une demande portée par le SYNDEAC (Syndicat des entreprises artistiques et culturelles ). Elle vise à faire reconnaître dans leur totalité les heures d’éducation artistique et culturelle dans le cadre de l’intermittence, ce qui ne peut être fait que de manière très limitée aujourd’hui. L’appel du Président à ce que les artistes renforcent leur activité dans ce secteur a décidément donné un sacré coup de jeune à cette revendication.
Des artistes dans les entreprises
Pour la saison à venir, le SNMS demande à ce que soient ouverts aux compagnies de spectacle vivant des monuments historiques et patrimoniaux, musées, parcs, friches… suivant un dispositif aidé par la puissance publique qui permettrait d’ouvrir de nouveaux lieux de rencontres avec le public. Ou encore, plus baroque, mais pas moins intéressant, que des entreprises, notamment celles aidées par l’État, ouvrent leurs portes aux artistes, pour des résidences et des représentations. Les deux propositions, comme celles que soient créés des établissements « missionnés pour pratiquer le théâtre hors-les-murs »suivent le même objectif de « réintégrer l’art dans le corps social ». Ce souci de partir à la conquête de nouveaux publics n’est pas neuf, mais les propositions portées le sont davantage.
On s’étonne toutefois de trouver dans le même chapitre, sous le même objectif, une proposition de « repenser les conditions du dispositif de mécénat » français, déjà considéré comme le plus avantageux d’Europe. Ou, un peu plus loin, un appel à un « Valois du théâtre » quand on sait le peu de suites concrètes qu’ont donné les fameux entretiens de Valois qui datent de douze ans en arrière maintenant.
La préoccupation écologique
La diminution de la part artistique des établissements publics et l’effacement progressif des artistes dans ceux-ci irrigue ensuite trois propositions plus catégorielles, pas moins légitimes pour autant, visant essentiellement à renforcer la présence des metteurs en scène dans les scènes publiques. L’essor des captations en ligne dans cette période de confinement pose enfin la question de la rémunération des artistes qui y serait liée. Mais le SNSM voit plus loin en proposant « la mise en place de généralisation des captations de spectacles » via un plan national impliquant notamment les chaînes du secteur public.
La préoccupation écologique apparaît sous la forme de l’appel à « la rédaction d’un protocole écologique pour le spectacle vivant« , relayant à titre d’exemples, deux initiatives dont nous vous avions parlé ici. A ce titre, on se félicitera de l’initiative de neuf professionnels du spectacle vivant qui lancent l’association ARVIVA -arts vivants, arts durables, qui se donne pour ambition de « devenir un acteur de référence en matière de transition environnementale« . Au programme : création d’une plateforme de conseils et de ressources, d’un « guide pour l’action », et autres actions visant à faire de cette association « un outil concret pour une transition urgente ». Face au peu d’entrain de la puissance publique à faire bouger les lignes de ses politiques culturelles, il est certainement temps que la société civile prenne son destin en main et crée elle-même les conditions des changements souhaitables.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
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