Au surlendemain d’un discours présidentiel d’où le mot culture brillait par sa totale absence, quatre syndicats du secteur public du spectacle vivant se sont réunis dans une conférence de presse exceptionnelle pour faire part de leur extrême lassitude et tirer le signal d’alarme. L’absence de mesures, de concertation et de perspectives, expliquent-ils, menace gravement le secteur.
Visiblement, ils n’en peuvent plus. S’il n’y avait eu que la question du Puy du Fou, passe encore. Mais ce silence de l’État depuis deux, trois semaines… Alors que toute la France ou presque se déconfine, que les transports ne connaissent plus aucune mesure de distanciation physique, que l’aéronautique ou l’automobile bénéficient de plans de relance lourdement dotés, le spectacle vivant demeure, lui, ironie du sort, dans le flou le plus artistique qui soit.
« Ces incohérences et ces contradiction qui pèsent sur le secteur nous épuisent« , explique Olivier Michel, Président du Profedim (Syndicat professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendants de Musique). « La parole présidentielle donne le sentiment que le secteur culturel n’est pas pris à la hauteur de ce qu’il représente« , renchérit Aline Sam-Giao, vice-Présidente du Syndicat Professionel des Forces Musicales. « Mais il n’y a rien de pire qu’un animal blessé« , prévient Frédéric Maurin, co-Président du SNSP (Syndicat National des Scènes Publiques), « car cela renforce notre union et notre pugnacité. On est là, on ne lâchera rien« . « On attend de l’Etat qu’il agisse comme un chef de file et dise c’est quoi notre plan pour sauver le service public de la culture. Des collectivités locales ont déjà tiré le signal d’alarme mais rien ne vient », conclut Nicolas Dubourg du Syndeac (Syndicat des Entreprises Artistiques et Culturelles).
Les quatre syndicats, réunis au sein de l’USEP-SV, union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant, ont commencé à dresser le bilan de la période, à partir d’une étude à laquelle ont répondu 850 structures. Résultat, L’USEP-SV, par la voix de Loïc Lachenal, Président des Forces Musicales, évalue, rien que pour le secteur public du spectacle vivant, que la crise de la Covid a donné lieu à 19000 représentations annulées, 180000 heures de travail perdues, et 90 millions de recettes volatilisées. A 50% venant de la billetterie. Venant du mécénat, de la location de salles et autres productions qui auraient dû être vendues pour l’autre moitié.
« On a posé 10000 fois la question, mais on n’a pas de réponse »
« On est rincé » explique simplement Nicolas Dubourg, et pour tous, la multiplicité des questions en suspens, sur lesquelles l’Elysée et le gouvernement paraissent aux abonnés absents, ne vient pas arranger les choses.
Distanciation physique : Les trains et avions fonctionnent à bloc mais les salles de théâtre et de cinéma doivent appliquer des mesures de distanciation physique décidées il y a un mois déjà. Pourquoi ces mesures n’évoluent-elles pas ? « On a posé 10000 fois la question aux autorités, mais on n’a pas de réponse » explique Cécile le Vagurèse-Marie, co-Présidente du SNSP. Via le CNPS (Conseil National des Professions du Spectacle), employeurs et syndicats ont mis en place des procédures de retour au travail. Mais concernant l’accueil du public, rien ne vient. « On nous demande tout le temps d’être adaptable. Mais il faudrait aussi une adaptabilité de l’Etat sur ces mesures. On demande simplement une adaptation constante des mesures et une trajectoire de prévision selon l’évolution de la maladie, c’est indispensable » clame Aline Sam-Giao.
Gel des budgets : « La question du gel des budgets, c’est le marronnier du mois de juin, qui se termine toujours par le petit rituel du Ministre qui vient annoncer la bonne nouvelle du dégel au Festival d’Avignon. On a déjà dit qu’on ne voulait plus de cette manière de procéder. Mais là, l’alerte est maximale. Parce que plus nos échanges avancent, plus on a la sensation qu’il n’y aurait pas de dégel des budgets cette année ! ». Autrement dit, cette part traditionnellement mise en réserve des budgets nationaux, par précaution, pourrait n’être pas employée. Il est question par exemple de 26 millions d’euros, toujours bloqués sur le budget 131, dévolu à la création.
Plan de relance : Pour autant, ce dégel qu’on imagine difficilement ne pas se produire, encore plus dans le contexte actuel, ne suffirait évidemment pas à contrecarrer la crise en cours. Et tous en appellent également à l’élaboration d’un véritable plan de relance. « Il y a bien eu l’annonce d’1,3 milliards euros, dans le PLFR 3 (Troisième projet de loi de finances rectificative), comprenant les 50 millions du CNM déjà annoncés. Mais il y a très peu de choses qui nous concernent, nous le spectacle vivant. Nous sommes quasiment absents de ce plan » explique Aline Sam-Giao. « On veut que ce soit un plan de garantie du maintien du service public de la culture« , poursuit Nicolas Dubourg. « Mais plus encore que les moyens, on veut une véritable concertation entre les collectivités territoriales et le gouvernement, les Ministères de la Culture, du Travail et des Finances. Sinon, tout le monde agit dans le désordre. Il faut penser l’avenir ensemble, et de manière pérenne, sur trois ans, c’est l’horizon sur lequel on travaille. Des instances de concertation, c’est indispensable ! » conclut Frédéric Maurin.
Menaces d’effondrement
Sinon ? A en croire les responsables syndicaux, les nuages sont lourds et s’amoncellent au-dessus de l’avenir proche. « Les responsables des structures ont plusieurs scénarios dans la poche, et plus on tarde, plus les scénarios de réduction de l’activité s’imposent » explique Aline Sam-Giao. « Certaines structures risquent de s’effondrer dès l’année prochaine« , prévient Nicolas Dubourg. « On verra des établissements du secteur public rachetés par les gros opérateurs commerciaux« , poursuit Frédéric Maurin. Et déjà, on entend sur le terrain des décideurs politiques dire « il faut réviser la prochaine saison à la baisse. Il faut enlever l’accompagnement artistique. Quand ils ne décident pas tout simplement de fermer« . Autres nuages, les risques psycho-sociaux et les inégalités Hommes-Femmes que cette situation de fragilité amplifie naturellement.
« Pourtant, il y a un effet d’entraînement du secteur culturel sur le tourisme et la restauration, qui est loin d’être négligeable. On n’est pas un secteur hors-sol mais on ne voit rien venir« . Si la question des principes ne fonctionne pas, l’argument économique ne semble donc, lui non plus, pas beaucoup peser. Même si, ce qu’espèrent, à en désespérer, ces responsables syndicaux, c’est que soit réaffirmée par l’État l’importance du spectacle vivant, et plus largement de la culture, pour le pays. Pas seulement dans la parole, mais dans les actes.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Notre Président de la Répubique est insultant pour tous les métiers de la culture et pour tous les artistes qui particient à la création de cet indispensable et magnifique chaînon de la vie des Français.
Du plus petit au plus célèbre, il faut descendre dans la rue et nous reunir devant l’Elysée, dans un silence impressionnant pour clamer notre détresse.
Un secteur public aux abois ? comment est-ce possible quand les subventions ont été maintenues malgré l’arrêt des spectacles (ce qui, même si toutes les salles -j’espère – ont payé les cachets, crée des économies de frais annexes), que le chômage partiel a pu être appliqué aux permanents des structures et les reports de charges… dans un secteur où les recettes de billetterie constituent au mieux 20 % du budget annuel ?
De l’inquiétude, oui, mais « le chaos », « l’effondrement », halte aux grands mots. Un peu de positivité fera revenir plus sûrement le public.
On admire surtout le dernier document publié par la FSICPA qui a le mérite de faire des propositions concrètes au lieu de demander sans rien proposer : https://fsicpa.fr/plan-de-relance.html
Bravo à eux.