Juste avant le confinement, début mars, la MC93 de Bobigny avait présenté quelques spectacles historiques de Pierre Rigal (Press, Eréction…). Confiné en Allemagne, le chorégraphe va y créer Extra Time. Invité à créer pour le Staatstheater de Mayence, Pierre Rigal s’est retrouvé à changer ses plans. Il devrait présenter à partir du dimanche 14 juin cette pièce de crise.
Comment vous êtes-vous retrouvé confiné en Allemagne ?
Je travaillais sur une commande pour le ballet du Staatstheater Mainz intitulé Welcome Everybody. C’était fini à 70 %. Après mes représentations à Bobigny début mars, je suis reparti à Mayence le 15 mars. J’avais alors 3 semaines pour finir ma création. La crise a bouleversé la donne. Alors même que les conditions de travail en Allemagne étaient à ce moment plus souples dans les théâtres, j’ai senti une peur diffuse chez les interprètes. On a opté pour des répétitions à distance en vidéo-conférence. J’étais le seul à travailler sur le plateau même, notamment sur les lumières du spectacle. On espérait alors pouvoir reprendre le chemin du théâtre 3 ou 4 semaines plus tard.
Ce qui n’a pas été possible …
Non bien sûr. De mon côté j’avais laissé passer la « fenêtre » des ouvertures de frontière. Heureusement ma compagne et mes deux enfants étaient avec moi à Mayence. Tout devenait incertain pour cette chorégraphie. J’ai alors proposé à la direction du Staatstheater Meinz de rendre certain ce qui était incertain. En créant différemment, en respectant les strictes consignes de sécurité. Nous sommes passés de 17 à 9 danseurs. A raison de 4 heures par jour et pas plus de deux personnes dans un studio j’ai construit cette pièce Extra Time dont la première aura lieu dimanche. Elle sera donnée avec une jauge réduite.
En quoi cette chorégraphie diffère du projet initial ?
Je suis reparti de zéro. J’ai peut-être gardé une seule idée ! Pour Extra Time il n’y a pas de contacts entre les danseurs, alors que Welcome Everybody était tout le contraire. Mais je ne voulais pas non plus proposer une série de solos ou duos. A mes yeux il s’agit plutôt d’une chorégraphie en relais. Enfin je ne veux pas parler de pièce Coronavirus même si ce temps à part, cette étrangeté du confinement, se reflètent dans la gestuelle. Le titre Extra Time dit bien cela. Il me semblait difficile ou même impossible d’en faire abstraction.
Comment la compagnie a vécu ce moment à part ?
Les danseurs n’ont jamais arrêté de travailler… même si pendant quelques semaines ils ont dansé chez eux ! Il y avait beaucoup de frustration après l’arrêt de Welcome Everybody on peut l’imaginer. Pour les artistes de haut niveau comme les sportifs cela est compliqué de se mettre en pause. Il ne s’agissait pas cette fois d’une blessure, chacun vivait cet instant. Il y a souvent la peur chez un soliste de perdre en capacité, en habileté. Retrouver les sensations en studio c’est incomparable. Le plus dur pour moi étant de ne pas les toucher pour corriger un mouvement ou montrer un geste. J’avais, durant un moment, un long bâton pour cela. Je me faisais l’effet d’un professeur de classique à l’ancienne ! La pièce va enfin vivre sa vie et, qui sait, tourner.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Extra Time chorégraphie de Pierre Rigal pour le Staatstheater Mayence (Allemagne) du 14 au 25 juin www.staatstheater-mainz.com
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