Le chorégraphe libanais devait présenter cet été Du temps où ma mère racontait au Festival d’Avignon. De Beyrouth il nous confie ses impressions.
On avait découvert ce chorégraphe singulier au festival d’Avignon il y a quelques années. Sa nouvelle création Du temps où ma mère racontait devait être présentée dans la Cour minérale de l’université d’Avignon. Déjà touchés par la crise institutionnelle qui secoue le Liban depuis plusieurs mois avec pour beaucoup des aides financières erratiques, certains artistes locaux à l’instar d’Ali Chahrour ou Danya Hammoud vont de plus souffrir d’annulation comme celle d’Avignon ou de June Events festivals co-producteurs.
Comment avez-vous réagi à l’annulation du Festival d’Avignon où vous étiez une nouvelle fois invité cette année ?
C’était des nouvelles tristes mais nous nous y attendions. J’entrevoyais cette édition du 74e Festival d’Avignon comme la possibilité d’un renouveau pour les artistes comme pour le public, car je pense que se réunir dans les théâtres et espaces ouverts d’Avignon après cette isolation forcée et de vivre des moments collectifs de questionnement politique et social à travers des regards d’artistes aurait été la plus belle des choses. Mais malheureusement, ça n’aura pas lieu et cela ne pourra que rétrécir l’horizon de notre perception, y compris politique
Quel sera l’impact sur cette création et sa production ?
Bien sûr que cela affectera ma production, les premières devaient se faire à Beyrouth, puis à Naples et à Avignon. Et bien sur ces annulations nous priverons, mon équipe et moi de revenus importants car ceux-ci proviennent pour une large part de notre carrière et des performances. Il n’est déjà pas facile de travailler dans le champ de la danse au Liban et à cela il faut ajouter aujourd’hui l’impossibilité de continuer et si le confinement est prolongé il y aura encore plus d’annulations.
Au Liban, nous subissons depuis 9 mois une crise économique qui se double comme à l’accoutumée d’une crise politique rendant le processus de création très difficile car les banques bloquent les comptes et nos fonds. Une partie de cet argent devait être consacré à la production de cette création. Nous arrivions à protéger le spectacle jusqu’à ce que le Coronavirus engendre cette situation de blocage exceptionnel. Cela a tout stoppé et reporté à plus tard, ce qui fait que nous vivons le confinement à tous les niveaux.
A quel stade de la préparation en étiez-vous ?
Nous étions à un stade avancé des répétitions et avions beaucoup d’éléments pour la création, c’est une pièce un peu difficile car très personnelle et montée en collaboration avec des artistes professionnels, des musiciens et deux amateurs : une mère et son fils sur scène ; nous devions reprendre les répétitions en avril pour pourvoir assurer la première en juin.
Que voulez-vous dire au public aujourd’hui ?
Je voudrais dire qu’un artiste peut s’arrêter ou ne pas se montrer pendant quelques temps ce qui ne veut pas dire qu’il va disparaître. La beauté de travailler dans le domaine des arts vivants réside dans la relation spécifique qui se noue entre le public et les artistes dans un lieu et à un moment spécifique. Les battements de cœur, la sueur des artistes, l’excitation et les murmures du public pénétrant dans le théâtre. Tout cela n’est plus d’actualité pour le moment.
Mais c’est aussi le moment de se demander et se questionner sur ce que nous avons apporté au monde et comment celui-ci a réagi et sentir ce que ça veut dire de vivre dans une ville confinée depuis des années. Ce qui est le cas de Gaza par exemple
Propos recueillis par Philippe Noisette (traduction Jean-Luc Morel)
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