Parmi les artistes programmés au Festival d’Avignon, la marionnettiste Yngvild Aspeli est aujourd’hui la seule à pouvoir travailler. Confinée au Figurteatret i Nordland dans les îles Lofoten en Norvège, elle adapte ses répétitions au jour le jour.
Yngvild Aspeli était l’un des premiers noms de la programmation 2020 du Festival d’Avignon à être dévoilé. Le 11 février 2020, la comédienne et marionnettiste d’origine norvégienne présentait même à la FabricA son spectacle en cours de création : une pièce de théâtre visuel inspirée du roman Moby Dick d’Hermann Melville. Elle avait déjà réalisé deux résidences de création – une à la Comédie de Caen pour la construction du décor, et une au Théâtre Romain Rolland de Villejuif –, et en entamait une troisième au POC d’Alfortville. Le coronavirus était encore une réalité lointaine. Avec sa compagnie Plexus Polaire installée en Bourgogne-Franche-Comté, Yngvild n’imaginait pas alors que son capitaine Achab et tout son équipage auraient à affronter cette tempête bien particulière. Cela non pas en pleine mer, mais presque : dans le village portuaire de Stamsund, situé dans les îles Lofoten au Nord de la Norvège. Plus précisément au Figurteatret i Nordland, théâtre consacré aux arts visuels, où elle a créé deux de ses pièces, Cendres et Chambre noire. C’est donc en terrain bien connu que vient la rencontrer l’épidémie.
Yngvild sur l’île de la création
Lorsque tombe l’annonce du confinement en Norvège, Yngvild Aspeli et son équipe sont déjà à Stamsund depuis une semaine. « Ce qui est déjà une sorte de confinement, dans la mesure où nous y sommes coupés du monde, dans un village de seulement 2000 habitants mais doté de pas moins de cinq théâtres. Car de nombreuses compagnies sont installées sur l’île, dont la vie culturelle est très riche, étonnante », nous dit l’artiste par Skype. Son outil de communication principal avec la majeure partie de son équipe très internationale, qui a quitté l’île de peur que les frontières ne se ferment. Restent avec elle une actrice, deux constructeurs de marionnettes, son créateur de costumes et son réalisateur vidéo. Seuls dans le théâtre qui « accueille d’habitude des groupes du monde entier, ainsi qu’une administration permanente qui est aujourd’hui en télétravail », ils avancent comme ils peuvent dans la fabrication de leur équipage, qui comptera au final six acteurs-marionnettistes, une vingtaine de marionnettes, des projections vidéo, une octobasse et une baleine de taille réelle.
Un voyage perturbé
Pour l’heure, Yngvild Aspeli fait avec les moyens du bord. Faute de pouvoir beaucoup avancer sur la dramaturgie – elle travaille en allers-retours entre écriture et plateau – et la mise en scène, elle se concentre sur la scénographie, la construction des marionnettes et la vidéo. Davantage encore que dans ses créations précédentes, l’artiste souhaite « effacer les frontières entre les différentes expressions ». Elle veut continuer d’explorer la relation entre l’acteur et la marionnette, pousser toujours plus loin leur rencontre. En l’absence d’une partie de l’équipe, ce travail est bien sûr perturbé. « Nous avons la chance de pouvoir travailler quand la plupart des artistes en sont empêchés, donc nous tentons d’avancer au maximum. Mais nous prenons du retard, et à ce jour je ne sais pas si nous pourrons le rattraper pour être prêts à temps, pour Avignon ». La compagnie devait en principe quitter son village norvégien à la fin de la première semaine d’avril, avant d’entamer le 13 du même mois une résidence au TJP à Strasbourg. Celle-ci étant annulée, elle va prolonger son séjour norvégien. En espérant que les résidences suivantes – à MA Scène Nationale de Montbéliard du 4 au 12 mai et au Mouffetard à Paris du 18 au 28, avant deux autres en Norvège – pourront avoir lieu. Le combat de la baleine contre le virus continue.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
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