Oliver Mellor met en scène avec la Compagnie du Berger, La Noce de Brecht. Il souligne le caractère grotesque de ce texte de jeunesse de l’auteur allemand au Théâtre de l’Epée de Bois. Mais dans la forme, le spectacle ne tient pas ses promesses.
La Noce témoigne du goût de l’auteur allemand, souvent catalogué comme un dramaturge sérieux, pour le rire et le cabaret. Ce n’est pas une découverte, bien sûr. Son œuvre regorge de chansons et de scènes comiques. Mais La Noce est une farce noire où le registre politique affleure simplement et qui ne fracasse pas encore les codes du théâtre traditionnel.
Deux jeunes mariés organisent chez eux, dans leur « nid douillet », leur repas de noces. On imagine la suite. Tout ne se passe pas comme prévu. Les repas et surtout l’alcool offrent l’occasion de briser le jeu des apparences qui nous sert quotidiennement à faire société. Les masques tombent. Les aigreurs et les rancunes remontent à la surface. Petit à petit, tout part en vrille, tout se casse la gueule, jusqu’au mobilier de cette maison que le marié avait confectionné de ses propres mains. D’une trame classique, le texte offre cependant l’intérêt de sentir comment germe dans ce texte le théâtre à venir de Brecht. Critique de la société allemande de l’entre-deux guerres, rance et sclérosée, conflits de classe et foi en la capacité des individus à faire face se font déjà sentir dans cette courte pièce.
Olivier Mellor et sa troupe ont choisi de souligner l’aspect grotesque et cabaret de la pièce. Un orchestre de type baloche glisse discrètement quelques chansons pop – de l’été indien à Tata Yoyo et l’inévitable chenille qui redémarre – dans des airs aux allures jazz et synthé. Les acteurs sont grimés, tels des clowns, d’un ovale blanc qui leur recouvre le visage et exagère leurs expressions. Au menu des personnages, un couple de mariés qui marche sur des œufs. Le père de la mariée qui raconte encore et toujours les mêmes interminables histoires qu’il croit drôles. La mère du marié qui ne rit pas quand il faut. Un couple – mari dépressif, femme classe à la dent dure – qui laisse volontiers voir sa désunion. Un ami du marié joyeux et égrillard. La sœur de la mariée qui en profite pour séduire le fils d’un domestique, dont on ne sait pas qui l’a invité et qui prend régulièrement des notes. Une jolie galerie de personnages dans une maison qui sent la colle et l’eau de Cologne, où le marié a entrepris de tout faire de ses propres mains. Méridienne, chaises, armoire, table, électricité, qui ne tiennent pas le coup longtemps, ajoutant de la catastrophe à la catastrophe. Il y avait tout, se dit-on, pour faire de ce repas de Noce un spectacle jubilatoire.
Sur le papier, le parti-pris d’Olivier Mellor tient pourtant la route. Au plateau, cependant, la mayonnaise ne prend pas. Le rythme est exagérément lent et monocorde. Les personnages peinent à s’imposer. La musique sature l’espace sonore obligeant souvent les acteurs à exagérément projeter. La folie ne progresse pas, la dramaturgie stagne. La catastrophe s’approfondit mais la crescendo ne s’opère pas. Dans le comique, le noir affleure certes, mais aucune lecture ne se dégage vraiment. Comme la table, les chaises, l’armoire et finalement le mur, tout tombe un peu à plat.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
La Noce
Texte Bertolt Brecht
Mise en scène Olivier Mellor
Avec Fanny Balesdent, Marie Laure Boggio, Emmanuel Bordier, Marie-Béatrice Dardenne, François Decayeux, Françoise Gazio, Rémi Pous, Stephen Szekely, Denis Verbecelte
Et les musiciens Séverin « Toskano » Jeanniard (contrebasse), Romain Dubuis (piano) et Olivier Mellor (batterie)Production
Compagnie du Berger // Centre culturel Jacques Tati / Amiens
Coréalisation
Théâtre de l’Épée de Bois / Cartoucherie – Paris
avec le soutien de
l’association L’ÎLOT et la Chapelle-Théâtre / Amiens, du Conseil régional Hauts de France,
du Conseil départemental de la Somme, de la DRAC Hauts de France, d’Amiens-Métropole,
de la SPEDIDAM et de l’ADAMI.
La Compagnie du Berger est « compagnie associée » et fondatrice de la Chapelle-Théâtre / AMIENS.
La Compagnie du Berger est également « compagnie résidente » au Centre culturel Jacques Tati / AMIENS
et au Théâtre de l’Épée de Bois / Cartoucherie / PARIS.
La Compagnie du Berger est adhérente au SYNAVI.Durée 1h15
Théâtre de l’Epée de Bois
Du 7 au 31 octobre 2021
jeudis,vendredis, samedis à 21h
samedis et dimanches à 16h30
18h30 tous les vendredis, 14h30 et 17h les samedis et dimanches
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