Depuis presque vingt ans, les créations d’Amir Reza Koohestani sont jouées sur les scènes Européennes. En ce moment, ses spectacles comme Summerless (cette semaine au Théâtre des Célestins à Lyon) et Timeloss continuent de sillonner les routes françaises. Mais que sait-on vraiment de son travail et de son rapport au public occidental ?
Amir Reza Koohestani est né en 1978 et malgré beaucoup de temps passé en Allemagne et en France ces dernières années, il habite au moins six mois par ans en Iran. C’est dans son pays de naissance qu’il a rejoint le Mehr Theatre Groupe en 1996, il est alors âgé de 18 ans. Avec les autres jeunes de sa génération, ils jouent, cherchent, expérimentent. Avec cette compagnie, l’enjeu était de créer une nouvelle esthétique dans le théâtre Iranien où le jeu des acteurs pouvait s’inspirer du cinéma. Depuis 2008, la compagnie est basée en France.
Dans les quelques interviews données ces dernières années dans l’hexagone, notamment depuis ses passages au Festival d’Avignon, on comprend que Koohestani aimerait qu’on le questionne davantage sur son art, sur le théâtre, et peut-être un peu moins sur la censure – réelle ou supposée – dont tous les Européens le pensent victime. A ceux-là, il peut rappeler que tous les spectacles de sa carrière ont été présentés dans son pays natal où il est très apprécié. Il y parvient car, selon la philosophe Liliane Anjo, il est de cette génération qui a grandi sous la République islamique, une génération qui « fait preuve d’une remarquable dynamique d’intégration des restrictions ». Le metteur en scène confie lui-même dans une interview donnée à l’AFP en 2018, avec un agacement poli : « j’ai pu, au cours de ma carrière, rencontrer des difficultés avec la censure, mais elles étaient très semblables à celles que j’ai connues en Europe avec les gens qui ne s’appellent pas des censeurs, comme des directeurs artistiques ».
Que porte alors son théâtre ? Toujours selon Anjo, le style de Koohestani est fait de monologues intimes sur un plateau dépouillé, dans une certaine noirceur scénique. Ses thèmes de prédilection sont l’usure du quotidien, l’incommunicabilité des êtres, la réclusion des figures féminines et la solitude des personnages. Son œuvre est aussi pétrie de symboles, intégrant les codes de la tradition iranienne dans des contes aux accents poétiques.
La première fois qu’Amir Reza Koohestani a été programmé sur une scène française, c’était en 2004 avec Dance on glasses, à la Maison des Arts de Créteil. Au fil des quelques articles qui lui sont consacrés, Koohestani regrette les attentes du public européen et la recherche « d’exotisme » dans son travail. Il aimerait que ses pièces soient appréciées pour ce qu’elles sont et non pas ce qu’elles pourraient être. En Iran, les spectateurs ont conscience qu’ils pourraient croiser les héros de Koohestani dans la rue. Ainsi, le metteur en scène assume de beaucoup se produire à l’étranger, malgré la crainte d’être incompris, afin de pouvoir avoir les moyens financiers et politiques de continuer de se produire en Iran. Dans son pays, il poursuit son travail critique, dénonçant la mondialisation mais continuant, comme le souligne Liliane Anjo à « disséquer les maux de la société iranienne ».
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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