Avec Résiste, la funambule et fildefériste Johanne Humblet poursuit la recherche autour du fil qu’elle mène depuis la création de sa compagnie Les Filles du renard pâle. Sans réussir à faire vivre ses belles trouvailles techniques.
Le fil, pour Johanne Humblet, est un espace beaucoup plus vaste qu’il y paraît. C’est un lieu de vie où l’on peut passer une journée entière, comme elle l’a fait par exemple en 2018 pour le festival Chalon dans la rue dans une performance intitulée 24h sur le fil. Bien que séparée de la terre ferme par plusieurs mètres, la fildefériste et funambule belge formée en France à l’Académie Fratellini y discute avec le public. Elle y fait aussi des siestes, y joue ou y mange… Dans une autre de ses « Performances Funambules », Reste !, qu’elle réalise dans tous types de lieux – « dans la rue, sur une place, dans une piscine, dans une église, sur un fil qui sort d’une fenêtre de maison, ou d’ailleurs », lit-on sur le site internet de sa compagnie Les Filles du renard pâle –, elle se livre à toutes ces activités pendant quatre ou six heures, tout en dialoguant avec des musiciens au sol. C’est donc jusque-là en l’inscrivant dans une forme de quotidien que Johanne Humblet a entrepris de renouveler ses deux disciplines. Avec Résiste, elle entame un nouveau volet de recherche.
Première partie d’un triptyque qui sera suivi de Révolte et de Respire, cette pièce est pour l’artiste une occasion de plus de « repousser ses limites ». Elle invente une manière de fusionner fil et funambulisme, qui font appel à des techniques, à des équilibres différents : grâce à un balancier accroché au milieu de son fil, et un système qui le rend instable, elle multiplie le potentiel de cet agrès. Inspirée par la bande dessinée L’Enfant penchée de Schuiten et Peeters, dont l’héroïne est une enfant soumise à une gravité différente de tous les autres – son corps est penché à 45 ° –, Johanne Humblet déploie son vocabulaire à la verticale autant qu’à l’horizontale. Et souvent aussi dans un entre-deux qui aurait dû être au cœur du spectacle, et porter l’idée de résistance promise par le titre. Mais faute d’être soutenu par une dramaturgie assez solide, le langage acrobatique peine à s’élever au-delà de l’image. Malgré la collaboration de Yann Ecauvre du Cirque Inextremiste, Résiste demeure au seuil du sens.
Composée par Deadwood, la partition musicale de la pièce – du moins celle de Violette Legrand, en alternance avec Johann Candoré qui propose apparemment tout autre chose – rencontre rarement les acrobaties aériennes auxquelles se livre Johanne Humblet pendant toute la durée du spectacle. Une durée très courte pour Les Filles du renard pâle, car en 50 minutes environ, la circassienne et la chanteuse, de même que le régisseur Steve Duprez qui les aide régulièrement à diverses petites choses, n’ont guère le temps de faire le tour de leur dispositif. Davantage de temps, et donc de tentatives d’échanges entre eux trois aurait sans doute permis de davantage donner chair et pensée à la belle image de la fille penchée. La version plein air de la pièce est peut-être davantage susceptible de répondre à l’ambition de Johanne Humblet. À condition que, comme ses « Performance Funambules », elle laisse place aux hasards de la vie à laquelle elle se mêle de façon plus ou moins spectaculaire.
Dans sa forme frontale, en salle, Résiste multiplie les pistes de réflexion et les chemins esthétiques sans aller au bout d’aucun. Avec la chanson Résiste de France Gall, interprétée comme tous les autres morceaux en direct, la pièce s’ouvre sur la promesse d’une exploration des luttes féminines par le chant et l’acrobatie. Ce que contredit au même moment l’attitude nonchalante, au bord du grotesque, de la chanteuse qui crée des courts-circuits en posant sa bière n’importe où. Suivent quelques autres incidents et gags dans le même goût, mais pas suffisamment pour donner à la pièce un ton vraiment singulier. Résiste aurait sans doute gagné à être davantage perché.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Résiste
Création collective sous la direction artistique de Johanne Humblet
Collaboration à la mise en scène : Yann Ecauvre
Collaboration artistique : Maxime Bourdon
Création musicale : Deadwood
Filambule : Johanne Humblet
Musicienne / Musicien : Violette Legrand / Johann Candoré
Régie générale et plateau, construction : Steve Duprez
Création sonore : Jérémy Manche, Mathieu Ryo
Création lumière : Clément Bonnin, David Baudenon
Costumes : Solenne Capmas
Chausson de fil : Maison Clairvoy
Construction Fil Instable : Sud Side
Graphisme, illustration : Virginie Fremaux
Logistique : Romane Vanderstichele
Administration et production : Bérénice Riollet
Production : Les filles du renard pâle
Aide à la création : Ministère de la Culture-DGCA / DRAC du Grand-Est / Région Grand-Est / Département de la Marne
Coproduction et accueil en résidence : Bonlieu Scène Nationale Annecy / Le PALC, Pôle National des Arts du Cirque / Cirque Jules Verne, Pôle National des Arts du Cirque et de la Rue d’Amiens / CIRCA, Pôle National Cirque Auch / La Verrerie, Pôle National Cirque Occitanie
Coproduction et préachats : Éclat(s) de rue – ville de Caen / Les Halles de Schaerbeek – Bruxelles
Soutiens et accueil en résidence : La Cascade, Pôle National Cirque Ardèche-Auvergne-Rhône-Alpes / Cirk’éole / Le Boulon, Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public / Académie Fratellini
Soutiens : Scènes de rue de Mulhouse
Durée : 50 mins
Théâtre La Manufacture – CDN Nancy-Lorraine, en ouverture du Festival Ring
Le 1er avril 2020
Théâtre Monfort – Paris, dans le cadre du festival (Des)Illusions
Du 3 au 5 avril 2020
Hopla, Bruxelles
Le 14 avril 2020
Jouy-le-Moutier (95)
Le 20 mai 2020
Festival Onze Bouge – Paris
Le 21 mai 2020
Haguenau (67)
Le 23 mai 2020
Bildstörung festival 2020, Detmold (DE)
Du 29 au 31 mai 2020
Perspektives, Sarrebruck (DE)
Les 4 et 5 juin
FITS, Festival de Sibiu, Roumanie (ROU)
Les 12 et 13 juin 2020
Lunathica, Turin (IT)
Le 18 juin 2020
Le Mans fait son Cirque, Le Mans (72)
Les 25 et 26 juin 2020
Les tombées de la nuit, Rennes (35)
Les 3 et 4 juillet 2020
Saison estival, Riom (63)
Le 29 juillet 2020
Contre plongées, Clermont-Ferrand (63)
Les 30 et 31 juillet 2020
Annonay (07) option
Le 2 août 2020
La Plage des 6 pompes, La Chaux-de-fonds (CH)
Du 6 au 8 août (dates à définir)
Renc’Arts, Pornichet (44) option
Le 11 août 2020
Les jeudis du port, Le fourneau, Brest (29)
Le 13 août 2020
Arrête ton Cirque, La Loggia, Paimpont (35)
Le 15 août 2020
Berlin Circus Festival, Berlin (DE)
Du 21 au 23 août 2020
Le reste de la tournée sur : www.lesfillesdurenardpale.com/agenda
Vu le 21 février 2020 aux Halles de Schaerbeek à Bruxelles
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