« Giulio Cesare » : quand la France découvrait Romeo Castellucci
En France, on ne présente plus Romeo Castellucci : le metteur en scène est autant détesté qu’encensé. Il revient à Paris cette semaine à la Villette pour présenter La Vita Nuova, dans le cadre du Festival d’Automne. Si, aujourd’hui, il est assuré de faire salle comble, qu’en était-il lorsqu’il a débuté en France ?
La première venue en France de Romeo Castellucci date de 1992, c’était au Festival Théâtre en Mai de Dijon, alors dirigé par François Le Pillouer. Il y présente Amleto. La veemente estoriorità della morte de un mollusco, puis en 1997 au festival Turbulences de Strasbourg, il présente L’Orestie. Romeo Castellucci a ensuite acquis une notoriété dans le paysage théâtral Français en 1998, au gymnase Aubanel pendant le 52e Festival d’Avignon. Il y montrait Giulio Cesare avec sa compagnie, la Societas Raffaello Sanzio, créée en 1981 par Castellucci, sa sœur Claudia et Chiara Guidi, son épouse. Ce spectacle, d’après l’œuvre de Shakespeare, est alors dans la droite ligne des enjeux de la societas : un théâtre radical et se revendiquant iconoclaste.
Giulio Cesare est, comme l’a souligné Bénédicte Boisson (maître de conférences en études Théâtrales à l’Université Rennes 2), une étape importante dans le travail du metteur en scène. Dans les années 1980, s’il s’intéressait aux mythes non-occidentaux, depuis 1992, Castellucci s’attaque aux grands textes européens. Il s’agit de la facette que la France va découvrir avec ce spectacle créé à Florence en 1997.
Une esthétique nouvelle
Pour son premier festival d’Avignon, Castellucci montre des composantes importantes de son travail d’alors. Il exhibe notamment des acteurs non professionnels aux physiques atypiques, pour ne pas dire dérangeants. Il y a un homme obèse dans le rôle de Cicéron, un vieillard nu pour César, deux jeunes femmes anorexiques sont Brutus et Cassius et un homme laryngectomisé incarne l’orateur : Antoine.
L’esthétique nouvelle n’a pas manqué de choquer les spectateurs. Un certain nombre d’entre eux quittaient la salle pendant la représentation. Dans son article sur les corps dans Giulio Cesare paru dans L’Annuaire théâtral en 2005, Bénédicte Boisson cite les commentaires distillés dans l’émission, Le Masque et la Plume lors du festival. Olivier Schmitt affirme que c’est « un affadi de ce que faisaient en politique et en plastique les actionnistes viennois » et Armelle Héliot s’insurge, offusquée de voir « de l’esbroufe, du vieux théâtre d’il y a trente ans ». Deux décennies plus tard, Armelle Héliot n’a pas changé ses positions : dans les colonnes du Figaro, en 2016, elle assure que L’Orestie, recréée à l’Odéon, « n’est pas recommandable ».
Cependant, en 2001, lorsque Giulio Cesare est présenté à Paris à l’Odéon, les critiques seront globalement positives. Depuis, Castellucci n’a plus quitté la France, puisqu’il y joue presque chaque année ses nouvelles productions, depuis ce spectacle fondateur pour le public de l’hexagone : Giulio Cesare.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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