Dans le Off d’Avignon, le chorégraphe et metteur en scène Philippe Saire fait danser les anges de Tony Kushner en proposant une lecture d’Angels in America toute en mouvements et pleine d’élans fluides et sensuels.
Créée aux États-Unis au début des années 1990, Angels in America est rapidement devenue un classique internationalement joué et revisité. Le Festival d’Avignon en a déjà vu plusieurs versions belles et fortes, notamment celle superlative de Krzysztof Warlikowski. Le texte a même eu l’honneur d’entrer dernièrement au répertoire de la Comédie-Française. Première œuvre théâtrale à ouvertement parler de l’épidémie de Sida et de l’homosexualité, cette « fantaisie gay », comme l’indique son sous-titre, n’en finit pas d’inspirer.
De cette fresque immense (qui jouée en intégralité durerait au moins six heures), Philippe Saire propose une adaptation concise, coupée, qui n’endommage pas, pour autant, la lisibilité de ses intrigues principales et ses destins compliqués, représentants à leur manière les multi-faces de l’Amérique reaganienne déchirée entre puritanisme conservateur et aspiration au renouveau. La singularité du geste proposée vient de l’envie d’ajouter le mouvement à la parole.
Chorégraphe, l’artiste suisse décide de mettre le corps et son expressivité au premier plan. Des corps s’attirent, des corps s’évitent, partent à la dérive. Ce recours inattendu à la danse pour suivre les vies entrelacées d’une poignée d’individus malmenés par la maladie, par la morale ou par la société, dans l’impossibilité de vraiment s’assumer, met en évidence la physicalité, l’organicité, l’impulsivité, la combativité débordantes de la pièce de Kushner et de ses personnages chez qui le désir sexuel et vital conjure un sort accablant.
Sobre et sombre, le décor, qui s’agence de sorte à faire de la scène un espace toujours en construction et de plus en plus ouvert, est constitué de pans de murs qui renvoient sans doute aux carcans étriqués, aux esprits cloisonnés que Kushner entend bien faire tomber. Sans jamais renoncer à l’élégance et à la beauté, les propositions de Philippe Saire et de ses acteurs ne paraissent jamais sages ou lisses, mais plutôt brutes et bien fidèles à la tonalité particulière d’un texte éminemment provocateur, aussi tragique que fantaisiste. Les jeunes comédiens défendent un jeu anti-misérabiliste très incarné.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Angels in America
Texte Tony Kushner
Traduction Pierre Laville
Mise en scène et chorégraphie Philippe Saire
Avec Adrien Barazzone, Valeria Bertolotto, Pierre-Antoine Dubey, Joelle Fontannaz, Roland Gervet, Jonathan Axel Gomis, Baptiste Morisod
Assistant à la mise en scène Chady Abu-Nijmeh
Dramaturgie Carine Corajoud
Création lumières Eric Soyer
Scénographie Claire Peverelli
Création sonore Jérémy Conne
Costumes Isa Boucharlat
Maquillage Nathalie MonodCoproduction Comédie de Genève, Arsenic, Centre d’art scénique contemporain – Lausanne, Théâtre des Martyrs – Bruxelles, Théâtre Benno Besson – Yverdon-les-Bains
La Compagnie est au bénéfice d’une convention de soutien conjoint avec La Ville de Lausanne, le Canton de Vaud et Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture ; le spectacle est lauréat du concours Label+ romand – arts de la scène, et soutenu par la Loterie Romande, la Fondation de Famille Sandoz, Sophie und Karl Binding Stiftung et le Migros Pour-cent culturel. La Cie Philippe Saire est compagnie résidente au Théâtre Sévelin 36, Lausanne.
Durée : 2h10
Festival Off d’Avignon 2021
La Manufacture, Patinoire
du 6 au 25 juillet (relâche les 12 et 19 juillet)Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains
les 17 et 18 novembreLa Filature, Mulhouse
du 15 au 17 décembre
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !