Depuis un siècle les grands couturiers ne cessent de sublimer sur scène les créations des chorégraphes. Coco Chanel et les ballets russes, Gianni Versace et Maurice Béjart, Christian Lacroix puis Balmain par Olivier Rousteing avec le ballet de l’Opéra de Paris, Issey Miyake et William Forsythe, les exemples sont aussi nombreux que prestigieux. Citons également le tandem formé par Jean Paul Gaultier et Régine Chopinot, la rencontre du flamand Walter Van Beirendonck et de l’étoile Marie-Agnès Gillot sans oublier Iris Van Herpen en duo avec Benjamin Millepied.
Avec Couturiers de la danse, le Centre national du costume de scène rend hommage à ces prestigieuses collaborations et présente pour la première fois dans ses espaces une sélection de 120 costumes dans des vitrines pensées comme des écrins, enrichie de photos et vidéos.
Conçue par le journaliste et auteur Philippe Noisette et scénographiée par l’architecte et artiste Marco Mencacci, l’exposition dévoile un véritable ballet de formes et de matières où le costume devient mouvement.
Dès l’entrée, le ton est donné. Le visiteur évolue sous des volutes de papier évoquant avec finesse et légèreté le dessous de tutus comme suspendus et découvre de somptueux costumes d’Hervé Léger pour Rythme de Valse chorégraphié par Roland Petit à l’Opéra de Paris.
À l’étage sous l’intitulé Formes, les premières vitrines mettent en lumière le travail des couturiers sur les formes. Il suffit de penser aux fameux costumes du Ballet Triadique d’Oskar Schlemmer dans le cadre du Bauhaus pour se rendre compte que les formes n’ont cessé d’interpeller la danse. De nombreux artistes se sont essayés à retrouver la folie créative de ce début du XXe siècle. Jean Paul Gaultier, Viktor & Rolf (The Dutch National Ballet), Gareth Pugh (The Royal Ballet), BodyMap les complices de Michael Clark… ces premières vitrines sont une évocation de la couture la plus inventive. Enfin, le belge Walter Van Beirendonck, une des signatures les plus influentes de la mode belge, a imaginé pour Sous apparence – première chorégraphie de Marie-Agnès Gillot pour l’Opéra de Paris – des costumes sculpturaux piqués de tulle aux formes insolites de nuages ou de guêpes.
Les pièces présentées ici se jouent des formes créant de singulières silhouettes. Une
danse au-delà de l’abstraction.
Isadora Duncan en son temps, dévoila beaucoup de sa danse et d’elle-même dans ses tuniques flottantes hommage à la Grèce Antique. Nijinski lui, choquait le public avec ses collants moulants dans son Après-midi d’un Faune, subtilement provoquant.
Avec le thème Seconde peau, les salles suivantes dévoilent les dessous de la danse : justaucorps, collants précieux, trompe l’œil, transparence étudiée ; ou quand le costume devient seconde peau pour sublimer les lignes et les courbes. Les modèles surprenants de Balmain, Givenchy, On aura tout vu, Adeline André ou Christian Lacroix proposent un voyage au pays du corps.
Le visiteur découvre ici des académiques couleur chair créés par Riccardo Tisci (alors directeur artistique de la maison Givenchy) pour le Boléro de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet à l’Opéra Garnier sur lesquels des applications de dentelle ivoire suggèrent l’ossature d’un squelette.
Le directeur artistique de Balmain Olivier Rousteing, a lui aussi choisi des teintes beiges/ nude pour les costumes de Renaissance, création originale de Sébastien Bertaud pour l’Opéra de Paris. Ornés de perles, de pierres et de sequins, les collants et justaucorps étincelants mettent en valeurs les corps des danseurs et des danseuses. Enfin les créations «danse» de Maria Grazia Chiuri pour la maison Christian Dior, notamment avec le Ballet de l’Opéra de Rome, seront exposées pour la première fois dans une institution française.
La troisième partie de l’exposition s’intéresse aux réinterprétations des classiques tutu, corset et autre marinière issues notamment des ateliers des Ballets de Monte-Carlo ou de l’Opéra de Paris. Un clin d’œil à l’histoire du costume et de la danse magnifiée par Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, Sylvie Skinazi, Jean Paul Gaultier ou Christian Lacroix.
Ce sont ensuite les matières qui se révèlent dans un quatrième thème. La danse est un formidable terrain d’expérimentation. Avec elle, le costume ose l‘innovation. Le visiteur plonge ici dans les recherches de créateurs comme Iris van Herpen ou Hussein Chalayan depuis les choix des tissus jusqu’aux coupes des costumes.
Hussein Chalayan a travaillé les découpes, les plis, les coutures du costume de scène avec un génie sensible. Ce travail s’incarne parfaitement dans Faun de Sidi Larbi Cherkaoui. Chalayan ira même plus loin en créant son propre spectacle de danse, Gravity Fatigue, à Londres. Iris van Herpen s’inscrit aussi dans cette recherche qui allie forme et matière. Pour Pelléas et Mélisande opéra « chorégraphié » par Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, avec Marina Abramovi , son approche fait du costume de scène un modèle de créativité, un futur incarné.
Coco Chanel est la première à avoir habillé de jersey les danseurs des Ballets russes pour la pièce Le Train Bleu. Dans cet hommage au sport, la matière est libre de jouer. Mademoiselle Chanel est l’invitée d’exception de ces vitrines.
Pour rendre hommage à Issey Miyake le chorégraphe américain William Forsythe a sélectionné pour l’exposition un choix de costumes du maître japonais. Issey Miyake donne forme aux plissés avec The Loss of Small Detail.
Il créera par la suite Pleats Please, une ligne de vêtement aujourd’hui devenue incontournable. Qui doit beaucoup à… la danse. Une sélection de créations issues des chorégraphies de Daniel Larrieu témoigne elle du pas de deux inventif entre costume et danse durant les années 80 et 90.
L’exposition est accompagnée de la publication d’un catalogue édité chez Silvana Editoriale
(environ 180 pages, 100 illustrations). Sortie le 6 décembre 2019.Exposition
Couturiers de la danse
30 novembre 2019 – 3 mai 2020
Centre national du costume de scène,
Moulins
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