Le chorégraphe Thomas Lebrun plonge dans l’héritage du carnaval avec Derrière Vaval, Pleurs, cornes et fwèt, où trois interprètes originaires des Antilles révèlent avec émotion et grâce l’histoire coloniale.
Ses spectacles ne manquent pas d’un grain de folie. Depuis les années 2000, Thomas Lebrun s’est imposé comme une figure majeure de la scène contemporaine avec une danse intense, des thématiques fortes et une pointe d’humour. Ces dernières années, le directeur du Centre chorégraphique national de Tours étonnait toujours, grimé en Marguerite Duras dans L’envahissement de l’être (danser avec Duras) et transcrivant sa rencontre avec une communauté de « muxes » mexicaines dans Sous les fleurs. Dans Derrière Vaval, Pleurs, cornes et fwèt, il met en scène trois interprètes rencontrés ces dix dernières années lors de résidences dans des territoires ultramarins : Gladys Demba, guyanaise, Jean-Hugues Miredin, martiniquais, et Mickaël Top, guadeloupéen. En trois soli, ils dévoilent l’histoire du carnaval caribéen, où la mélancolie, la douleur et le passé colonial se cachent derrière la fête.
Robe noire, jupon blanc et haut chapeau conique, Gladys Demba ondule entre plusieurs néons disposés sur le sol. Elle revêt l’habit d’un personnage emblématique du carnaval caribéen : une pleureuse (ou diablesse) du roi Vaval, figure brûlée chaque année lors de la parade de Mardi gras. Les mots de l’autrice Emmelyne Octavie résonnent : « Les diablesses se sont fatiguées à pleurer… Marre de ramasser vos larmes ». La pleureuse frappe des casseroles et révèle des gestes souples, rythmés. Elle se dévoile au fur et à mesure en retirant des couches de vêtements.
Son apparition annonce un défilé de personnages. Jean-Hugues Miredin lui succède : il éclaire son visage grimaçant avec une LED rouge. En jupon court en tulle, tenant une ombrelle, il incarne le diable rouge, personnage à cornes du carnaval de la Martinique ; puis Mickaël Top fait claquer un long fouet, rappelant les fouettards du carnaval guadeloupéen. Comme Gladys Demba, les deux autres enlèvent des couches de vêtements, strip-tease révélant la violence et la tristesse qui les habitent, derrière les danses et la musique festive. Dans ce ballet, l’ambivalence du carnaval, entre joie et résistance, et la mémoire de l’esclavage jaillissent. Les néons colorés et les gestes des interprètes, tantôt fluides, gracieux, ondulants, tantôt bondissants, frénétiques et intenses, façonnent une scénographie mouvante. Les mots poignants d’Emmelyne Octavie se superposent sur cet ensemble, sans jamais trop en faire. Réunis sur scène, leurs histoires et leurs combats apparaissent encore plus forts, et touchants.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Derrière Vaval, Pleurs, cornes et fwèt
Conception et chorégraphie Thomas Lebrun
Autrice et narratrice Emmelyne Octavie
Avec Gladys Demba, Jean-Hugues Miredin, Mickaël Top
Création lumières Françoise Michel
Création son Maxime Fabre
Installation et régie générale Gérald Bouvet
Assistante à la création Anne-Emmanuelle Deroo
Régie lumière Françoise Michel, en alternance avec Gérald Bouvet
Régie son : Maxime Fabre, en alternance avec Camille Dagonneau
Musiques Les Mécènes, Clara Nugent, La Lyre Cayennaise, Maxime Fabre, Mapie, Cantin le Voyageur, Musiques de carnaval de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France, Madame Mavounzy Lise, Krys
Costumes Kite Vollard, Thomas Lebrun
Costumes de diablesse Maryline Cesto-Brachet
Masque de diable rouge Jean-Luc ToussaintProduction Centre chorégraphique national de Tours
Coproduction Touka Danses – CDCN Guyane, Tropiques Atrium – Scène nationale de Martinique
Soutien Dispositif Rhizomes – Cie La MangroveCette création a bénéficié du Fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels pour les Outre-mer (FEAC) 2025 du ministère de la Culture. Le CCNT est subventionné par le ministère de la Culture – DGCA – DRAC Centre-Val de Loire, la Ville de Tours, le Conseil régional Centre-Val de Loire, le Conseil départemental d’Indre-et-Loire et Tours Métropole Val de Loire.
Durée : 1h15
Vu en octobre 2025 au Centre chorégraphique national de Tours
L’Hectare, Scène conventionnée, Vendôme
le 10 octobreThéâtre de Chartres, Scène conventionnée
le 14 octobreCentre Culturel Albert Camus, Issoudun
le 16 octobreTouka Danses, CDCN de Guyane, Cayenne
le 5 décembreThéâtre d’Auxerre
le 13 janvier 2026Chaillot – Théâtre National de la Danse, Paris
du 21 au 24 janvier
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