Tiens encore une année. Après 2666, Julien Gosselin met en scène 1993, un texte d’Aurélien Bellanger avec tout le groupe 43 de l’école du Théâtre National de Strasbourg. Une pièce qui interroge le rêve européen dans une scénographie radicale. Créé au Festival de Marseille, le spectacle va tourner en 2018.
Lorsqu’ils évoquent le sujet de la pièce, Julien Gosselin et l’auteur Aurélien Bellanger imaginent construire le texte à partir de témoignages recueillis à Calais. Finalement Aurélien Bellanger écrit un essai. 1993, c’est l’année des derniers travaux avant l’ouverture du tunnel sous la Manche, un grande idée européenne portée par Margaret Thatcher et François Mitterrand. La même année, un autre tunnel est creusé entre la France et la Suisse, le Cern, on y installe un accélérateur de particules.
Le Tunnel sous la Manche entre Calais et Londres désenclave l’Angleterre. C’est aussi un appel d’air pour des réfugiés en quête de liberté. Les européens ne le savent pas encore en 1993, mais vingt ans plus tard ce tunnel provoquera un traumatisme en Europe. Le rêve européen s’est-t-il évanoui depuis la réunification des deux Allemagnes et la chute du mur de Berlin ? Le spectacle pose cette question. Aurélien Bellanger s’est appuyé sur l’ouvrage de Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le Dernier Homme. Un essai de ce politologue américain dans lequel il affirme que la fin de la Guerre froide marque la victoire idéologique de la démocratie et du libéralisme sur les autres idéologies politiques, et que la chute du Mur va entraîner d’importants soubresauts.
Dans la première partie du spectacle, Julien Gosselin crée un trou noir théâtral saisissant. Les comédiens du groupe 43 du TNS, en ligne, scandent des bribes de textes. Puis ils sont happés par ce tunnel sombre, d’où se détache la lueur de néons stroboscopiques blafards. Ils disparaissent pendant plus de quarante minutes, laissant le public seul, face à ce trou béant. On est scotché devant la radicalité de la mise en scène. Julien Gosselin aime dire qu’il ne souhaite pas ménager le public. Il le confirme une fois de plus. Avec brio. Les phrases chocs d’Aurélien Bellanger ne laissent pas indifférents non plus. Il compare les réfugiés à des particules exotiques qui jaillissent du tunnel; l’Europe à une génération de playmobils.
1993 est totalement à contre courant de la pensée « macroniste » idéaliste sur l’état de l’Europe. Il est là où doit se placer le théâtre et la culture, dans l’interrogation et les doutes. Et avec cette génération d’acteurs, de scénographes, de régisseurs, de metteurs en scène enthousiastes, il créé un électro choc salvateur.
La deuxième partie se déroule dans un appartement quelque part en Europe lors d’une soirée Erasmus avec des étudiants de différentes nationalités. On boit, on se drogue, on baise. Les comédiens du TNS sont filmés par deux opérateurs de prise de vues qui les suivent du salon à la cuisine, dans les couloirs ou dans les toilettes. Julien Gosselin reproduit ici avec la même qualité technique, le procédé utilisé par Cyril Teste dans Nobody. Les images sont projetées au dessus du décor. Cette réunion de jeunes européens s’avère être un rassemblement de jeunes nationalistes. La montée des fondamentalismes : une réaction à la vacuité de la société libérale ? Aurélien Bellanger et Julien Gosselin posent crûment la question dans un spectacle qui interroge notre propre vision de l’Europe.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
1993
Julien Gosselin & Aurélien Bellanger
Texte Aurélien Bellanger Mise en scène Julien Gosselin Avec Quentin Barbosa, Genséric Coléno-Demeulenaere, Camille Dagen, Marianne Deshayes, Paul Gaillard, Yannick Gonzalez, Roberto Jean, Pauline Lefebvre-Haudepin, Dea Liane, Zacharie Lorent, Mathilde Mennetrier, Hélène Morelli Musique Guillaume Bachelé Scénographie Emma Depoid, Solène Fourt Costumes Salma Bordes Son Hugo Hamman, Sarah Meunier Lumière Quentin Maudet, Sarah Meunier Vidéo Camille Sanchez Plateau Jori Desq Régie générale Valentin Dabadie Conseils vidéo Pierre Martin Conseils lumière Nicolas Joubert Assistanat à la mise en scène Eddy D’Aranjo, Ferdinand Flame
Décor et costumes ont été réalisés par les ateliers du TNS Crédits photos Pierre Martin et Simon Gosselin Spectacle créé avec le Groupe 43 de l’École du TNS (diplômé en 2017)
Julien Gosselin est metteur en scène associé au Théâtre National de Strasbourg
Production Théâtre National de Strasbourg Coproduction Festival de Marseille – danse et arts multiples
Coproduction Festival de Marseille. Spectacle présenté en coréalisation avec le Théâtre du Gymnase
duréé: 1 h 45Festival de Marseille 2017
Théâtre du Gymnase
3 et 4 juillet 2017 à 19h
Gennevilliers du 9 au 20 janvier 2018 au T2G-Théâtre de Gennevilliers – Centre dramatique national de création contemporaine
Valenciennes les 16 et 17 mars 2018 au Phénix – Scène nationale, Pôle européen de création
Liège du 17 au 21 avril 2018 au Théâtre de Liège
TNS du 26 mars au 10 avr 2018
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !