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« 15 Trumps en colère », et un coup d’épée dans l’eau

Les critiques, Lille, Moyen, Théâtre
Marlène Saldana et Jonathan Drillet créent 15 Trumps en colère se noyant dans leur propre merde avec les élèves du Studio 8 de l'École du Théâtre du Nord
Marlène Saldana et Jonathan Drillet créent 15 Trumps en colère se noyant dans leur propre merde avec les élèves du Studio 8 de l'École du Théâtre du Nord

Photo Frédéric Iovino

Malgré l’engagement des quinze élèves comédien·nes du Studio 8 de l’École du Nord, Jonathan Drillet et Marlène Saldana se heurtent, dans leur version parodique de Douze hommes en colère, à la puissante stratégie de sidération trumpienne.

En matière d’image cauchemardesque, Jonathan Drillet et Marlène Saldana font d’entrée de jeu très fort. Sur le plateau de la petite salle du Théâtre du Nord, où, dans la pénombre, trônent une table et un immense visage de clown à la renverse, digne des meilleurs films d’horreur, ce ne sont pas un, pas deux, ni même trois, mais bien quinze Donald Trump qui, les uns après les autres, surgissent en exécutant ces pas de danse dont le président américain a fait sa marque de fabrique durant ses meetings lorsque retentit le désormais classique Y.M.C.A. des Village People. Chemises blanches immaculées, cravates rouges aux longueurs variables, tignasses blondes invariablement en bataille et visages orangés à force d’avoir été recouverts d’autobronzant, les élèves comédien·nes du Studio 8 de l’École du Nord sont méconnaissables et adoptent même cette petite mimique – yeux plissés, bouche en cul de poule – qui colle aux traits du magnat de l’immobilier. Une fois réunis, ces Trump en folie grillent immédiatement une bonne partie de leurs cartouches et égrènent, à la volée, tous les gimmicks trumpistes en ridiculisant le Canada, en menaçant les femmes de les attraper par la chatte – en référence à son « Grab ’em by the pussy » –, en mimant « Sleepy Joe » – surnom dont il avait affublé l’ancien Président Joe Biden qu’il accusait régulièrement de démence sénile –, en ciblant les Mexicains, en promettant des poursuites judiciaires ou un licenciement – comme dans l’émission The Apprentice qui a participé à sa renommée – ou en vilipendant le wokisme. Histoire de poser le cadre.

Une question, que l’on imagine héritée des répétitions, se pose alors à ce curieux aréopage : que pourraient bien faire quinze mâles blancs hétérosexuels d’âge mûr coincés dans une même salle ? De façon pas si saugrenue, tant elle paraît coller à la situation, l’idée leur vient de rejouer Douze hommes en colère. Comme dans le film de Sidney Lumet, douze de ces quinze énergumènes se transforment alors en autant de jurés populaires chargés de statuer sur la culpabilité d’un jeune homme accusé de parricide, tandis que les trois Trump restants se réfugient dans le public pour troller les débats ; et, comme dans le film de Sidney Lumet, l’affaire paraît, aux prémices, assez vite réglée : tous les membres du jury semblent a priori intimement convaincus que l’accusé est coupable et prêts à l’envoyer sur la chaise électrique. Tous, sauf un, qui, au moment du vote liminaire, fait part de ses doutes et se prononce en faveur de l’acquittement. La mécanique des débats peut ainsi s’enclencher et les jurés dévoiler leurs motivations qui, loin d’être purement factuelles, reposent sur une série de jugements de valeur et de préjugés qui, dans cette version où l’accusé est mexicain – ou Noir, selon les moments –, recoupent l’idéologie trumpienne : raciste, sexiste, validiste, LGBTQIA+phobe, grossophobe et pro-avortement.

Bien qu’ils tentent d’utiliser l’arme de la parodie et de la caricature, Jonathan Drillet, Marlène Saldana et les élèves comédien·nes du Studio 8 de l’École du Nord ne tardent pas, à leur corps défendant, à se faire piéger par le système qu’ils mettent en place. À un ou deux moments près – notamment celui où Lexan Léger, lui-même personne transgenre, porte, avec une intensité poignante, le discours transphobe de Trump qui, lors de sa dernière campagne, accusait les écoles de changer le sexe des élèves au cours d’une même journée –, ils ne parviennent pas à véritablement déjouer la rhétorique trumpienne, qui se répand désormais comme une traînée de poudre et qu’il n’est plus rare d’entendre, y compris en France, ad nauseam, et se heurtent à la stratégie de la sidération qui constitue l’un des moteurs essentiels de la conquête et de l’exercice du pouvoir de l’actuel Président américain. Toujours un cran en dessous des outrances éhontées et des outrages calculés d’un Trump volontairement en roue libre, porteur d’un discours qui repousse toujours plus loin les limites pour mieux élargir la fenêtre d’Overton, ils donnent l’impression de jouer petit bras et n’atteignent jamais la puissance sarcastique d’une série comme South Park, capable de prendre cette idéologie de revers. Aujourd’hui en guerre ouverte contre le locataire de la Maison-Blanche, qui, avec son Vice-Président, J.D. Vance, sont les deux seuls personnages à y avoir leurs vrais visages, ses créateurs, Trey Parker et Matt Stone, ne reculent eux-mêmes devant aucune attaque et repoussent, eux aussi, les limites de l’imaginable pour tenter de faire mouche – aux dernières nouvelles, Trump y était en couple avec Satan. Las, ce que peut une série animée américaine est, sans doute, moins accessible à l’art dramatique, et Jonathan Drillet et Marlène Saldana auraient peut-être dû se positionner sur un autre terrain de jeu dramaturgique que celui de la caricature – Trump étant, lui-même, une caricature décomplexée.

Tandis que, en parallèle, l’usage parodique de Douze hommes en colère ressemble rapidement à un fil rouge prétexte et insuffisamment exploité où viennent s’intercaler, et se plaquer, les rengaines et attributs trumpistes – de Melania objectifiée aux exilés qui mangent des chiens et des chats à Springfield, en passant par les fameux executive orders signés à tire-larigot et en grande pompe –, reste alors, malgré tout, l’engagement des quinze élèves comédien·nes – Lysandre Akmese-Euillet, Raphaël Arhie, Louna Giriat, Soren Hamzaoui Lapeyre, Ruth Kouame, Marie Le Guellec, Lexan Léger, Maël Leurele, Marine Marçais Boyer, Sarah Murcia, Lucas de Oliveira, Siméon Poissonnet-Maillet, Mamadou Sall, Djénaé Segonds et Takumi de Valette – et le savoir-faire scénique de leurs deux co-metteurs en scène. Alternant les styles, entre happenings et fragments de comédie musicale, connivence avec le public et moments de pur théâtre, Jonathan Drillet et Marlène Saldana – par ailleurs marraine des élèves comédien·nes de ce Studio 8 – offrent aux jeunes actrices et acteurs un cadre protéiforme en mesure de bousculer les codes et de pousser les curseurs classiques du jeu. Dans leur maîtrise de la gestuelle et de la geste trumpiennes, comme dans leur façon de ne reculer devant aucune audace scénique – tout particulièrement lors de la dernière scène aux fondements scatologiques –, les élèves comédien·nes prouvent qu’ils en ont déjà, fort de leur envie et de leur diversité, sous la pédale, et que dévorer le plateau, à défaut de mordre Trump aux jarrets, ne leur fait pas franchement peur.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

15 Trumps en colère se noyant dans leur propre merde
de Jonathan Drillet et Marlène Saldana
Créé en collaboration avec et interprété par les élèves comédien·nes du Studio 8 de l’École du Nord Lysandre Akmese-Euillet, Raphaël Arhie, Louna Giriat, Soren Hamzaoui Lapeyre, Ruth Kouame, Marie Le Guellec, Lexan Léger, Maël Leurele, Marine Marçais Boyer, Sarah Murcia, Lucas de Oliveira, Siméon Poissonnet-Maillet, Mamadou Sall, Djénaé Segonds, Takumi de Valette
Assistanat à la mise en scène et maquillage-coiffure Ella Amstad, Prince Barry, Nam Durieu, Mathilde Ngasi (élèves du parcours Mise en scène, Écriture et Dramaturgie)
Création costumes, perruques, maquillage Jean-Biche
Lumières Lucie Decherf
Son Louis Regnier

Production Théâtre du Nord, CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France ; L’École du Nord – École Professionnelle Supérieur d’Art Dramatique ; The UPSBD

Durée : 1h40

Théâtre du Nord, CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France
du 4 au 7 novembre 2025, puis le 22 novembre, les 21 et 22 janvier 2026 et les 2 et 3 avril

7 novembre 2025/par Vincent Bouquet
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