Véra est une femme active et cruelle. Elise Vigier et Marcial Di Fonzo ont composé une satire sociale sur un texte de Petr Zelenka qui navigue entre comédie sociale et comédie de boulevard. Le talent des comédiens fait la différence avec Karin Viard en tête de distribution. Créée à Caen, la pièce part en tournée à la rentrée de septembre 2016.
C’est par un générique de cinéma que s’ouvre le spectacle. Véra dirige une agence de casting à Prague, rachetée par un groupe anglais. C’est une femme ambitieuse, toujours pendue au téléphone, qui s’occupe tant bien que mal de ses comédiens « souvent dépressifs« . Elle possède le pouvoir et elle en use. Son ascension professionnelle est une façon de se venger de son enfance passée dans le bloc communiste où les femmes n’avaient pas le droit à la parole.
Karin Viard est éclatante au milieu de ses partenaires qui multiplient les rôles. Il y en a une bonne trentaine. Helena Noguerra, Lou Valentini, Rodolfo De Zouza, Pierre Maillet et Marcial Di Fonzo passent leur temps à changer de personnage et de perruques – magnifiquement dessinées par Cécile Kretschmar. Mention à Pierre Maillet, véritable caméléon qui peut être à la fois malicieux et plein de tendresse.
Marc Lainé a conçu une scénographie tout en profondeur, avec trois écrans vidéos au dessus des comédiens pour capter des scènes croustillantes dont certaines ont été rajoutées par Marcial Di Fonzo comme celle du tournage pour une publicité pour une saucé épicée « Cholula » qui ne manque pas de piment.
L’écriture de Petr Zelenka lorgne vers celle de Fassbinder, sans la même saveur. C’est une comédie chic, avec parfois des bons mots un peu faciles (digne du boulevard et d’Au théâtre ce soir). Marial Di Fonzo Bo enroulé dans un tapis clame par exemple « Je suis au bout du rouleau » lorsque le tapis se déplie. On sourit, on se demande si on ne s’est pas trompé de salle. Sommes-nous vraiment dans un CDN de la décentralisation ? Et puis la profondeur ressurgit dans la deuxième partie du spectacle. La mise en scène d’Elise Vigier et de Marcial Di Fonzo et le talent de Karin Viard retournent le situation.
On assiste à la déchéance de Véra. Elle est prise à son propre jeu. Chassée de sa société, elle perd de son influence. Le monde capitaliste est impitoyable. Elle finit à la rue, femme de ménage. Contraste saisissant. Et Karin Viard se transforme. On finit pas aimer son personnage. La comédienne a prêté pour la scénographie des documents personnels, des photos et des films d’enfance, on la voit bébé sur la plage. Véra est le film d’une vie. La comédienne aux deux Césars, collabore pour la troisième fois avec Elise Vigier et Marcial Di Fonzo, elle se donne à 200% sur le plateau. Et avec cette troupe bondissante, elle parvient à effacer les quelques faiblesses du texte. Enfin il convient de souligner la magnifique chanson écrite par Pierre Notte qui vient ponctuer la pièce.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Vera de Petr Zelenka
Traduction ALENA SLUNECKOVA
Version pour la scène de PIERRE NOTTE
Mise en scène ÉLISE VIGIER et MARCIAL DI FONZO BO
assistés d’ALEXIS LAMEDA
Avec KARIN VIARD, HELENA NOGUERRA, LOU VALENTINI, RODOLFO DE SOUZA, MARCIAL DI FONZO BO, PIERRE MAILLET
Scénographie MARC LAINÉ
Perruques CÉCILE KRETSCHMAR
Production déléguée Comédie de Caen-CDN de Normandie
Coproduction Théâtre de la Ville, Anthéa-Théâtre d’Antibes, Théâtre de Nîmes, Scène nationale d’Albi, Théâtre des Célestins-Lyon
Avec le soutien du Cenquatre-Paris, Théâtre National de Chaillot et l’Avant Seine-Théâtre de Colombes
Durée: 2hA partir du 13 mars 2018
du mardi au samedi à 20h30 – matinées dimanche à 15h30
Théâtre de Paris
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